Système de santé et clientèles marginales, deux mondes éloignés?

Fondée en décembre 2011, la clinique d'infirmières SABSA reçoit des clientèles marginales depuis lors, tout en devant faire des pieds et des mains pour maintenir son financement, nous informent les médias. SABSA ne cadre pas dans le programme de financement des cliniques infirmières. Est-ce que ce ne serait pas plutôt les clientèles marginales qui ne cadrent pas dans l'offre de services en santé?

#Itinerance #Sante #SanteMentale #SoinsInfimiers

Une des difficultés majeures en santé au Québec, c'est tout ce qui touche à la prévention. Je me souviens qu'un délégué syndical au ministère de la Santé m'avait dit, il y a déjà plusieurs années de cela, que le problème de ce Ministère, c'est qu'il était dirigé par des médecins qui mettent l'emphase sur l'hospitalisation au détriment des autres lieux d'intervention.

Ces autres lieux d'intervention ne relèvent pas tous évidemment du ministère de la Santé. Prenons l'exemple de l'accès à un logement.

Comme l'écrivent Carolyn Swope, Diana Hernández, and Liv Yoon dans l'article Les quatre piliers du logement et leur incidence sur la santé, «le lien entre le logement et la santé a été cruellement mis en évidence durant la pandémie de COVID-19.»

Les études continuent de montrer une association entre les conditions de vie et la transmission de maladies infectieuses. Parmi les causes figurent l’état de l’environnement intérieur, la possibilité d’accéder à un logement sûr et abordable, les facteurs de risque du quartier, comme le transport et les types de possibilités d’emploi.

Très intéressant cet article dans lequel on peut voir schématisé les quatre piliers du logement et la santé, un schéma qui fait le lien entre le logement et des disparités en santé.

Trop souvent les clientèles marginales n'ont pas de logement, ou alors vivent dans des logements de mauvaise qualité. Même quand elles ont un toit sur la tête, elles vivent le stress constant d'ignorer si elles seront en mesure de le conserver.

C’est d'autant plus le cas que plusieurs logements sont sortis du marché locatif à plus long terme, voir mon billet Airbnb, une des plaies du capitalisme, et que la spéculation foncière ainsi qu'une loi plus favorable aux propriétaires font en sorte de faire grimper le coût des loyers.

Outre la difficulté de se loger adéquatement, ne serait-ce que d’avoir un lit où dormir la nuit, l'accès aux soins de santé physique et mentale n’est pas évident pour les clientèles marginales.

En 2019, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) écrivait ce qui suit dans un rapport remis au ministre de la Santé:

Comme aucun de ces mécanismes ne pourra permettre à lui seul un accès total aux services de proximité pour l’ensemble des sous-groupes au sein de la population, dont les clientèles vulnérables, un système intégrant un éventail de mécanismes pourrait faciliter l’atteinte d’un tel objectif, en misant sur la complémentarité. État des connaissances. Mécanismes d’accès aux services de proximité (PDF).

Dans le rapport, on prend soin de préciser que la mise en place d’un accès unique aux services de proximité (ex. : par les GMF) pourrait augmenter les inégalités, tant en santé que sur le plan social.

Le problème, toujours selon le rapport, c'est qu’un accès unique fait en sorte que les clientèles vulnérables ont la responsabilité de solliciter les services auxquels elles désirent recourir ou d’exprimer leurs besoins, alors que c'est plutôt au système de santé d'être proactif et de faire du démarchage dans les milieux de vie de ces personnes (itinérant·e·s, utilisateur·trice·s de drogues injectables, personnes avec troubles de santé mentale, etc.).

Il y a eu des efforts en contexte de pandémie visant les personnes vulnérables, c’est-à dire présentant une détresse psychosociale ou psychologique, une difficulté ou une incapacité à s’exprimer, à comprendre ou à se faire comprendre, une perte d’autonomie cognitive ou des incapacités cognitives, ou une perte d’autonomie fonctionnelle.

On s’entend que les clientèles marginales sont des clientèles vulnérables dans notre système de santé, encore plus quand elles sont en situation d’itinérance.

Or, avec le retour à la normale, on constate plutôt un abandon des clientèles marginales.

Par exemple, la Vérificatrice générale du Québec faisait part en mai 2023 que l'accès aux soins et aux services est un réel défi pour les personnes ayant des troubles mentaux graves, souvent une cause de marginalisation par rapport à notre système de santé, en passant.

C’est d’autant plus un défi d’accéder aux soins et services en santé que comme l'INESSS le disait en 2019, une personne avec un trouble mental grave va rarement demander d'elle-même qu'on la soigne.

Que ce soit dans un cas de trouble mental grave ou autre affectant les clientèles marginales, ce que je retiens est qu'il faut minimalement deux conditions pour qu’elles puissent accéder à un services en santé physique et mentale:

Déjà ça aiderait de financer adéquatement des organismes qui vont au-devant des personnes marginales plutôt que de vouloir faire entrer ces organismes dans le cadre normatif du ministère de la Santé, un cadre bientôt contrôlé par une grosse agence de santé.

Souhaitons que ça n’éloignera pas encore plus notre système de santé des clientèles marginales.

Déjà qu’elles ont si peu de poids politique.

En complément, mes billets L'itinérance comme faillite collective et, sur la crise du logement, Le public n'est pas le privé.


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