L'itinérance comme faillite collective
Quand on se regarde collectivement dans le miroir, on ne voit pas l'itinérance. Pourtant, elle est le reflet de notre échec. Une société aussi riche que la nôtre qui tolère le manque de ressources pour venir en aide aux personnes itinérantes est une société en faillite.
#Itinerance #Logement #Politique #Societe
Ce billet aurait aussi pu s'intituler Cachez cette itinérance que nous ne saurions voir. C'est ce qui m'est venu en tête en lisant les faits saillants du colloque Architecture + Itinérance : Habiter la ville sans ancrage au logement qui a eu lieu en novembre dernier. Il ressort de ce colloque que la ville n’est pas adaptée à l’itinérance.
Le message est clair : c’est la vision pour réimaginer l’espace public qui est manquante, car nous savons ce qu’il faut faire : allouer plus de subvention pour aménager ces espaces, s’inspirer de précédents innovants ailleurs dans le monde, mettre à profit l’infrastructure existante, co-créer avec les personnes concernées et effectuer un travail constant de sensibilisation et d’éducation auprès des citoyen.ne.s. Architecture sans frontières. Retour sur le colloque Architecture + Itinérance 2023.
Justement, parlons-en des citoyen.ne.s.
Pendant que nos gouvernements parlent mais n'en font pas assez que ce soit pour une ville plus accueillante envers les personnes itinérantes, ou pour des services mieux adaptés (voir la réaction du Réseau Solidarité Itinérance du Québec à propos du budget 2024-2025 du ministre des Finances du Québec), pendant que la judiciarisation de l’itinérance est en augmentation, pendant que les campements de personnes intinérantes sont démantelés, nous fermons les yeux et nous banalisons le phénomène.
Accepter l'itinérance est un choix de société, donc un choix politique. Nos gouvernements sont beaucoup plus à l'écoute de la population qu'on ne le croit. À l'opposé, même si les solutions existent pour améliorer le sort des personnes en situation d'itinérance, ces mêmes gouvernements ne bougent pas parce que ce n'est une priorité aux yeux du public.
Pire, l’intolérance face aux personnes itinérantes est à la hausse.
« C’est effrayant pour nous de constater l’intolérance qui monte et qui monte. On voit les problèmes sociaux qui augmentent et on se demande comment on va pouvoir être créatif pour continuer d’aider les gens, et comment on peut mobiliser collectivement nos quartiers pour aider ces personnes-là, parce que ça devient de plus en plus difficile. » Les groupes en itinérance s’inquiètent de la montée de l’intolérance. Le Devoir, 28 sept. 2023.
Nous en sommes au point où «la montée de l’intolérance entrave (…) la mise en place de solutions à la crise», selon le Groupe actions solutions pauvreté (GASP) et la Corporation de développement communautaire (CDC) de la Haute-Yamaska.
En fait, on veut que le problème soit réglé, mais au lieu de faire pression sur nos gouvernements qui n'en font pas assez, on s'en prend aux personnes en situation d'itinérance.
On applaudit même à la démolition des campements de personnes itinérantes, sans trop se préoccuper du fait que les gouvernements n'assument pas leur responsabilité face au droit au logement, un droit pourtant reconnu par le Canada.
Dans son rapport daté de 2023, la défenseure fédérale du logement remet les pendules à l'heure.
Le droit à un logement adéquat est une obligation affirmée dans le droit international des droits de la personne, y compris dans les traités que le Canada a signés et ratifiés, ainsi que dans les déclarations des droits de la personne et autres normes internationales applicables. Respect de la dignité et des droits de la personne : Examen des campements de personnes en situation d’itinérance de la défenseure fédérale du logement
Pourtant, le fait de pouvoir bénéficier d'un logement est une étape majeure dans une démarche pour sortir de l'itinérance.
Pour que cette étape et d’autres puissent être franchies par les personnes en situation d’itinérance, encore faudrait-il d'abord reconnaitre notre faillite collective face à ces personnes.
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