Airbnb, une des plaies du capitalisme

Je lis que la crise du logement serait due aux personnes qui immigrent au Québec et je trouve cette affirmation surréelle. Dans les faits, les causes de la crise sont intrinsèquement liées au marché de l’immobilier. Les nombreuses conversions de locations à long terme en locations à court terme sont à cet égard très révélatrices de ce que donnerait un laisser-aller complet du secteur de la location résidentielle.

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Il y a presqu’un an, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) révélait que plus de 30 000 logements sont en location à court terme au Québec. « Ces chiffres montrent noir sur blanc qu’à elle seule, Airbnb est responsable d’une part importante de la pénurie de logements », dénonçait alors Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ.

Comme l’a fait remarqué l’économiste Guillaume Allègre dans un commentaire à un message ironique que j’avais posté dans Catodon à propos de la méthode Airbnb, «toute cette idée d'économie collaborative et de partage n'est depuis le début qu'un slogan pour disrupter le business plus rapidement, en faisant le pari de la déréglementation».

Ce qui jadis était échange sympathique de lieu de séjour – je te prête mon appartement à Québec et tu me prêtes le tien à Paris –, est en effet devenu une business profitable. En 2022, Airbnb avait un chiffre d’affaires de plus de 8,4 milliards USD selon ces données.

Or, si Airbnb est de loin la plus importante dans son créneau, elle n’est pas la seule.

Déjà en 2016, l’économiste Yves-Marie Abraham (H.E.C.) qualifiait l’économie du partage d’une des nouvelles ruses du capitalisme. Pour lui, les Airbnb, Couchsurfing, Uber… «représentent, du point de vue capitaliste, un remarquable potentiel de valorisation du capital.»

Une valorisation qui se fait au détriment de celles et ceux qui cherchent un logement à un coût abordable, comme l’écrivait Martin Patry en mai 2022:

Le gouvernement a admis le mois dernier ce que les locataires savaient déjà: il y a une crise du logement au Québec et il devient de plus en plus difficile de trouver des appartements disponibles. Pourtant, des milliers d’hébergements touristiques de courte durée sont disponibles sur les plateformes comme Airbnb.

En somme, l’idée séduisante de partage cache une attaque en règle contre le pacte social qui tentait déjà, tant bien que mal, d’obtenir un équilibre entre locataires et propriétaires de logements.

On ne peut pas traiter le logement comme une marchandise soumise au jeu de l’offre et de la demande. C’est au contraire un droit fondamental.

Selon le droit international en effet, avoir un logement convenable signifie bénéficier de la sécurité d’occupation d’un logement, sans avoir peur d’être expulsé ou de perdre sa maison ou ses terres.

En octobre dernier, le Rapporteur spécial sur le logement convenable encourageait d’ailleurs les pays membres de l’ONU «à reconnaître l’accessibilité économique comme partie intégrante du droit à un logement convenable dans leur droit national ou constitutionnel.»

L’assaut qu’encourage le modèle Airbnb sur le parc locatif en vue d’engranger des profits vite faits est un exemple des pires extrêmes où peut nous mener une économie de marché.

Comme les plaies d’Égypte, ce capitalisme à la Airbnb s’acharne sur ce qui le limite dans le but d’obtenir la libération complète du marché immobilier.

Le laisserons-nous longtemps jeter des familles entières dans la rue?

Provenance de l’image: https://svgsilh.com/fr/795548/image/308936.html


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