Privé et Santé au Québec: la grande inconnue

Lors de l'adoption de la Loi créant l'Agence Santé Québec , la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) affirmait que les entreprises privées du secteur de la santé étaient prêtes à contribuer davantage pour un régime public flexible. Plusieurs ne semblent pas s'inquiéter de cette offre du privé, croyant que c'est dans l'intérêt de la population. Qu'en est-il au juste?

#Sante #Prive #Public

Reprochant toutefois au ministre Christian Dubé ce qu'elle qualifiait d'ingérence du Vérificateur général dans les livres des entreprises québécoises du secteur de la santé, la FCCQ soutenait que le privé en connaît plus que le gouvernement en matière de performance. Faut-il rappeler que M. Dubé est à la fois comptable et homme d'affaires?

N'empêche que le Premier ministre François Legault, également comptable et homme d'affaires, a déclaré que «c’est comme ça que ça marche au privé, et c’est comme ça que ça devrait marcher dans le secteur public». Est-ce que ça veut dire qu'il devrait y avoir autant de faillites au public qu'il y en a au privé?

Parlant de faillites au privé, je pourrais les inviter à lire mon billet du 25 mars dernier, Quand le marché des RPA prend l'eau.

Dans une fiche publiée en mars 2022, Guillaume Hébert de l'RIS rappelait que le privé est déjà grandement présent dans notre régime public de santé.

Au Québec, le réseau de la santé et des services sociaux fait appel à un grand nombre d’établissements privés, même si le financement des ser- vices qu’on y offre est public. C’est le cas par exemple des groupes de médecine familiale (GMF). Ces installations sont très majoritairement privées, mais les services qui y sont offerts sont financés par le régime public. Guillaume Hébert. La progression du secteur privé en santé au Québec (pdf).

Ce dont peu de gens sont conscients, c'est que le privé est de plus en plus présent non seulement dans la prestation de services, mais aussi dans le financement privé de services.

Entre 1979 et 2019, la part du financement privé en santé a crû de 52,6 %. Lorsque mesurée en nombre d’emplois, la part de la prestation privée de services a quant à elle augmenté de 31,2 % entre 1988 et 2019 Guillaume Hébert.Idem.

Face à cette augmentation de la part du privé tant dans le financement que dans la prestation des services publics, la question à se poser ne me semble pas s'il doit y avoir du privé ou non, mais quelle sorte de privé devrait être autorisé et dans quelle proportion.

Se demander dans quelle proportion est loin d'être banal, puisqu'en contexte de pénurie de main-d’œuvre, les services offerts par le privé se font au détriment des besoins en main-d’œuvre du public. Or, la pénurie de personnel en santé au Canada exacerbe les préjudices subis à l’hôpital. J'ai d'ailleurs écrit un billet à ce propos le 2 avril dernier (Le droit à la santé menacé au Québec?).

En 2016, l’ex-ministre libéral de la Santé Gaétan Barrette entreprenait une comparaison des coûts de certaines chirurgies d’un jour entre le réseau public et trois cliniques privées. L'étude se poursuivait toujours quand le gouvernement actuel a pris le pouvoir, les résultats étant attendus en 2020.

Aux dernières nouvelles, les résultats de l'étude ne sont toujours pas rendus publics.

En fait, quand M. Legault dit que ça devrait marcher dans le public comme ça marche dans le privé, il se base sur des considérations idéologiques.

Tout le monde sera d'accord que le public doit faire des redditions de compte afin de s'assurer que les fonds publics soient bien dépensés. Cela va de soi.

Aussi, quand le privé s'inquiète du fait que la Vérificatrice générale puisse avoir les coudées franches pour suivre les dizaines de milliards de dollars dépensés en santé, notamment dans le secteur privé, ça devrait sonner une cloche.

Le privé est loin de toujours être la vertu incarnée.

Source de l’image: https://svgsilh.com/fr/ffc107/image/2069872.html


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