Le droit à la santé menacé au Québec?

Souvent l'idée d'un billet me vient lors de la lecture ou du visionnement d'un contenu qui soulève une question. C'est le cas après avoir visionné l'entretien que Léa Clermont-Dion a eu avec la professeure en sexologie à l’UQAM, Sylvie Lévesque, sur la question des violences obstétricales. Je me suis demandé ce qu'il en est du droit à la santé pour réaliser qu'il y a là, visiblement, un problème de société.

#Santé #Droit #DroitsHumains

Dans une lettre ouverte publiée le 18 mars, Nicole Filion et Lucie Lamarche, membres du comité Droit à la santé de la Ligue des droits et libertés, rappelent que l’État est responsable de la protection et de la réalisation de tous les droits humains, dont le droit à la santé, et s'inquiètent de ce qu'il adviendra de ce droit avec la création de l'Agence Santé Québec.

La question se pose donc de savoir comment le gouvernement répondra dorénavant de sa responsabilité au regard du droit à la santé étant donné la nouvelle distinction entre les orientations et les opérations en matière de soins de santé. Elle se pose d’autant plus que Santé Québec évoluera dans un environnement managérial, à la recherche d’une efficacité à tous crins, marqué par les chiffres, les cibles et la mesure.

Déjà qu'avant même la création de cette Agence qui va regrouper tout le réseau de la santé, il y a matière à s'interroger sur le respect du droit à la santé, un droit qui réfère au meilleur état de santé physique, mental et social qu’il est possible pour toute personne d’atteindre.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a régulièrement recommandé d'inscrire le droit à la santé dans la Charte des droits et libertés, «un outil législatif unique du fait que les droits économiques et sociaux y sont reconnus. Mais le droit à la santé n'y est toujours pas consacré.»

Cette demande avait déjà été introduite par la Commission à maintes reprises et notamment dans le cadre du bilan des 25 ans de la Charte au début des années 2000. La Commission y a recommandé que « la Charte reconnaisse le droit de toute personne de bénéficier des programmes, biens, services, installations et conditions lui permettant de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle puisse atteindre ». Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Rapport d'activités et de gestion 2021-2022. Page 9.

La Ligue des droits et libertés a publié un dossier consacré au droit à la santé dans sa revue de l'automne 2020, dans lequel Lucie Lamarche, professeure, département des sciences juridiques (UQÀM) et membre du conseil d’administration de la Ligue, appelait à une réflexion collective sur ce droit que nos parlementaires n'ont toujours pas enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Pour Lucie Lamarche, «sa reconnaissance formelle [du droit à la santé] serait la source de l’obligation négative de l’État de ne pas entraver ce droit, mais aussi, la source positive de l’obligation de le protéger et de le garantir.»

La plupart des pays ont inclus le droit à la santé dans leur constitution ou dans une charte de droits et libertés.

Au Québec, non seulement ce droit n'est pas reconnu dans une charte, mais en plus, comme le soulignait en 2018 le chercheur Jean-Pierre Girard, «depuis des décennies, dans une logique de centralisation et de concentration aux mains du ministère, mais aussi du corps médical, on a réduit à peau de chagrin la participation des citoyens dans les instances du réseau public de la santé.»

Certes, les personnes qui ont subi des préjudices dans le réseau de la santé peuvent porter plainte. C'est l'ultime instance et 2233 motifs en lien avec les services de santé et les services sociaux ont y ont été traités en 2022-2023, dernière période pour laquelle les statistiques sont disponibles.

Combien connaissent les Centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP), des organismes sans but lucratif qui ont pour mission d'accompagner les personnes qui veulent porter plainte auprès d'un Commissaire aux plaintes et à la qualité des services d'un établissement de santé?

Le problème, comme l'a si bien dit la professeure Sylvie Lévesque à propos des violences obstétricales, tant qu'on ne mettra pas dans les formations des personnes qui oeuvrent dans le réseau de la santé la sensibilisation aux risques de faire preuve de violence envers une patiente ou un patient sans même s'en rendre compte, il va continuer à y en avoir.

Et le premier instrument pour forcer l'inclusion de formations à ces risques, c'est l'inclusion du droit à la santé dans la Charte des droits et libertés.

Faisant en sorte qu'il prime sur tout ce qui pourrait le menacer.


Source de l'image: https://actionsanteoutaouais.org/droit-a-la-sante/


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