Scolarisation universitaire: le Québec peut faire mieux

Je vous ai parlé en janvier dernier des frais de scolarité que doivent désormais payer les étudiants et étudiantes venant des autres provinces du Canada (Plus que les frais de scolarité). Je disais alors que quant à moi, les frais de scolarité seront toujours trop élevés. Mais ce n’est pas le seul élément à prendre en compte.

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D’abord une mise à jour de mon billet de janvier: depuis lors, Concordia et McGill ont décidé de poursuivre Québec. Pour Concordia, cette décision de Québec contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés. Pour McGill, il s’agit de mesures discriminatoires résultant d’un exercice déraisonnable de la ministre de l’Enseignement supérieur.

Laissons les juges décidés s’il est déraisonnable d’imposer des frais plus élevés selon la provenance.

Voyons plutôt la question du coût pour le trésor public: en 2022 Samuel-Élie Lesage de l’Institut de recher et d’informations socioéconomiques a publié une étude intitulée Peut-on réaliser la gratuité scolaire au Québec qui démontre d’une part que la gratuité n’est pas une utopie et d’autre part qu’elle aurait un impact à la hausse sur la fréquentation de l’université.

À ce propos, au début de ce mois, la journaliste Louise Leduc révélait dans La Presse que le Québec traine de l’arrière dans la scolarisation universitaire, selon les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec.

Christine Lessard, agente de recherche pour cette étude, explique à la journaliste que « il y a une forte proportion de personnes qui ont des diplômes décernés par les cégeps, établissements qui n’existent pas dans les autres provinces », d’autre part « l’accroissement du retard de scolarisation entre le Québec et l’Ontario et entre le Québec et la Colombie-Britannique est principalement lié à l’immigration ».

Voilà un autre effet de la décision, selon moi insensée, de fixer un seuil trop bas d’accueil des personnes qui veulent vivre au Québec. Le Québec peut et doit être plus accueillant.

Nous pouvons et nous devons également abolir les frais de scolarité exigés pour fréquenter nos universités.

Nous ne serions pas les seuls à le faire. Voici une liste de pays européens où l’enseignement universitaire est gratuit: Norvège, Allemagne, Finlande, Grèce, Autriche, Suède, Danemark, auxquels il faut ajouter l’Écosse qui fait partie du Royaume-Uni.

Je sais que l’enseignement universitaire gratuit est loin de faire l’unanimité. Mais quand on examine les chiffres, on se rend compte que les frais scolaires représentent moins de 20% de l’ensemble des revenus des universités québécoises qui se situaient à plus de 8 milliards de dollars en 2019-2020.

Fréquenter l’université au Québec pourrait être gratuit.

Attention toutefois, la gratuité ne serait pas suffisant pour permettre à toutes et tous de développer leur plein potentiel.

Il y a presqu’un quart de siècle, la Direction du recensement étudiant et de la recherche institutionnelle de l’Université du Québec a fait une vaste enquête pour mieux comprendre ce qui peut nuire à la persévérance scolaire. Pour les autrices de l’enquête, le milieu de provenance est un facteur non négligeable.

L’étudiante ou l’étudiant qui arrive à l’Université du Québec, ou dans n’importe quel autre établissement d’enseignement, est en partie marqué par son milieu de provenance. C’est là que se sont développées ses valeurs et ses représentations du monde. Ce milieu peut-il être mis en relation avec la décision de quitter ou non les études ? A-t-on autant de possibilités d’adaptation et d’intégration au milieu universitaire indépendamment de son milieu socio-économique d’origine? Danielle Pageau et Johanne Bujold. Dis-moi ce que tu veux et je te dirai jusqu’où tu iras. Page 6.

Pluss près d’aujourd’hui, décembre dernier, Larissa Zierow et Nikki Shure ont publié les résultats d’une étude selon laquelle les jeunes qui sont de la première génération à fréquenter l’université en Allemagne, même s’ils sont parmi le 1% des plus performant·e·s à le faire, ont tendance à limiter leur ambition.

Taken together these findings indicate that not all of the disadvantage faced by first-generation graduates can be accounted for by prior attainment, and that family background still plays a role for the very high achieving students. Larissa Zierow, Nikki Shure. High Achieving First-Generation University Students. Accédé sur JSTOR via les ressources numériques de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

C’est là un exemple concret du rôle joué par le milieu de provenance.

Et il y a aussi l’histoire personnelle de l’étudiant, son expérience lors de l’arrivée à l’université.

En somme, il faut non seulement que l’université soit gratuite, mais il faut aussi bien cerner ce qui peut faire la différence dans un parcours scolaire en fonction du milieu social d’où proviennent les jeunes qui ont le talent leur permettant de fréquenter l’université.

Le Québec peut faire mieux oui, mais il doit faire mieux pour toutes et tous.


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