Rattraper le niveau de vie de l'Ontario?

Comme le rappelle l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) dans un billet d’Eve-Lyne Couturier, le niveau de vie d’une population donnée est une mesure arbitraire. Mais pourquoi une mesure essentiellement économique a-t-elle pris tant d’importance dans les choix politiques?

#Economie #Croissance #Politique

Il faut savoir que la mesure du progrès économique repose sur le PIB, lequel sert à calculer le niveau de vie. Or, cet indicateur n’a toujours existé. En fait, il date de 1937. Sept ans plus tard, il va être en quelque sorte coulé dans le ciment des théorie économiques.

En 1944, le PIB est devenu l’étalon standard de la croissance économique à la suite de la conférence de Bretton Woods, tenue dans le but de réguler le système monétaire international après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le PIB sous le feu des attaques

Avec un tel étalon, il n’est pas étonnant qu’à leur tour nos partis politiques aient fait de la croissance économique, désormais mesurable, un des piliers de leur discours politique, soit pour se défendre s’ils étaient au pouvoir, ou pour attaquer le parti au pouvoir.

On sait que cette poursuite de la croissance économique est de plus en plus remise en question (voir mon billet du 17 février dernier, La fin de la croissance?).

Néammoins, l’idée d’augmenter le niveau de vie, donc le PIB, a la vie dure. Peut-être parce qu’en apparence, c’est simple comme idée: le Québec a un niveau de vie plus bas que l’Ontario, donc notre économie doit croître pour rejoindre le niveau de vie ontarien.

Peu importe si cette croissance s’avère, au bout du compte, davantage nuisible que profitable.

Le Conseil du patronat a bien compris la valeur persuasive de la notion de niveau de vie sur le marché des idées politiques en publiant, en septembre dernier, ses propositions incontournables pour rattraper le niveau de vie de l’Ontario. Notez l’usage du mot incontournable. Les économistes ont parlé, il faut s’exécuter.

Dans un article fort intéressant de l’Institut national de la statistique et des études économiques (France) qui certes milite en faveur du maintien du PIB comme indicateur, mais reprend les principales critiques formulées envers cet indicateur, on peut lire que le PIB n’est pas et ne doit pas être utilisé comme un indicateur de bien-être (Le PIB reste-t-il un indicateur pertinent ?).

Je répète: le niveau de vie mesuré par le PIB ne doit pas être utilisé comme un indicateur de bien-être.

Les économistes d’une part ne sont pas unanimes sur cette mesure de notre réussite que serait l’augmentation du niveau de vie et d’autre part, ne sont pas non plus les seuls à posséder la vérité sur ce qui est bien pour nous.

De fait, il serait temps que nous les remettions à leur place. Non pas pour cesser d’écouter ce qu’elles et ils ont à nous dire, mais pour enfin réaliser qu’une société est quelque chose de trop complexe pour que les décisions politiques reposent à ce point sur des théories économiques.

Il faudrait que le discours politique cesse de coller au discours économique comme si c’était la vérité absolue. Déjà que cet aveuglement nous a mené à une dégradation telle de l’environnement qu’on pourrait bien ne pas s’en sortir.

Bref, rattrapons le temps perdu à vouloir à tout prix rattraper l’Ontario.


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