Où en est la santé mentale au Québec?

En lisant l'article Non criminellement responsables à répétition d'Améli Pineda et Stéphanie Vallet, un article qui amène à se demander si la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) fait bien son travail, je me suis dit qu'il vaudrait la peine que je porte un regard plus global sur la santé mentale au Québec.

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D'abord, précisons que la santé mentale est un sujet complexe, d'autant plus qu'elle est l'objet de plusieurs idées reçues et mythes.

Une importante distinction à faire, c'est celle entre santé mentale et troubles mentaux.

La santé mentale renvoie à la présence d’émotions positives (bien-être émotionnel) et au niveau de fonctionnement psychosocial (bien-être psychologique et bien-être social). Les troubles mentaux, quant à eux, renvoient à une symptomatologie cliniquement observable. Caroline Braën-Boucher et Marie-Claude Roberge, Santé mentale et troubles mentaux courants en contexte de pandémie de la COVID-19 : état des lieux. Institut national de santé publique du Québec. 11 janvier 2024.

Comme on pouvait sans douter, une augmentation des symptômes anxieux ou dépressifs, ainsi qu'une détérioration du niveau de santé mentale a été observée tout au long de la pandémie.

Par contre, si j'ai bien compris, on porterait beaucoup plus attention aux divers troubles mentaux qu'à la santé mentale. C'est comme si on prenait pour acquis qu'il y a d'une part du monde en santé et d'autre part du monde affecté par la maladie mentale, alors que la santé mentale est plus que l'absence de maladie mentale ou de troubles mentaux : elle constitue une forme de bien-être complet et interpelle notre capacité à jouir de la vie et à faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Selon un rapport de Statistique Canada sorti en septembre dernier, la santé générale des Canadiens s’améliore, mais pas leur état mental, avec notamment comme conséquence que le recours aux antidépresseurs est à la hausse.

Au-delà de la pandémie, le manque d’accès à la psychothérapie et aux autres ressources expliquerait cette hausse du recours aux antidépresseurs, toujours selon Statistique Canada.

Dans une note publiée en octobre 2023, Eve-Lyne Couturier de l'Institut de recherche et d’informations socioéconomiques de Montréal (IRIS) écrivait pour sa part que «la santé mentale n’est pas en haut de la liste de priorités du gouvernement du Québec, puisqu’elle ne bénéficie pas du réinvestissement massif dont elle aurait besoin.»

Pour Eve-Lyne Couturier, le gouvernement québécois peut faire plus, autant dans le curatif que dans le préventif.

Il peut d’abord offrir une véritable couverture universelle des soins de psychothérapie, accompagnée d’un encadrement du marché privé afin d’orienter les ressources vers les besoins prioritaires. Il peut ensuite investir en prévention en révisant les normes du travail, en garantissant un revenu viable à toute la population, en réglant la crise du logement et en renforçant le filet de protection sociale de la société québécoise.

Quelques mois plus tôt, Nathalie Plaat, psychologue clinicienne, autrice et enseignante à la maîtrise au CERC de l’Université de Sherbrooke, s'en prenait à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon laquelle la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté».

Nathalie Plaat reprochait à cette définition d'être «tellement enchâssée dans la logique néolibérale qu’elle en oublie son imposture».

Dur de se montrer plus aveugle, en effet, à ce qui, précisément, sous-tend la majorité des souffrances psychologiques contemporaines, soit la réduction d’états humains à leurs seules dimensions de productivité, de fonctionnalité et de normalité. La définir ainsi revient possiblement à lui faire la violence dont ses symptômes cherchent précisément à s’extirper. Nathalie Plaat. La santé mentale, ça n’existe pas! Le Devoir. 8 mai 2023.

La santé mentale est affectée par plusieurs éléments: environnement, pauvreté, injustices, inégalités sociales, urbanisme, éducation, économie, spiritualité, services sociaux, etc.

C'est bientôt la Semaine de la santé mentale, mais comme l'écrivait Nathalie Plaat en lien justement avec celle de l’an passé, la santé mentale devrait «traverser les autres thèmes qu’on fixe dans des calendriers».

Pour les personnes souffrant de troubles mentaux, la biochimie peut s’avérer d'un grand recours, mais pour ce qui est de la santé mentale, ce sont nos choix de société qui peuvent l'améliorer ou au contraire la détériorer.

Hélas, nous semblons plutôt faire des choix qui vont dans le sens de la détérioration.

— — — — — En complément, mes billets Quand le mental vieillit Parlons de violence nutritionnelle Système de santé et clientèles marginales, deux mondes éloignés?

Source de l’image: https://pixabay.com/fr/illustrations/sant%C3%A9-mentale-cerveau-en-pensant-2313430/


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