L'indigne insécurité alimentaire au Québec

Une des situations les plus choquantes, dans un pays qui se dit riche comme celui où je vis, c’est de constater que des êtres humains, tel cet immigrant emprisonné pour vol de nourriture à Laval, vivent de l’insécurité alimentaire.

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Demain matin il vous arrive un malheur. Vous n’arrivez pas à y faire face, vous perdez tout, vous vous retrouvez dans la rue, comme ces personnes qui ne s’imagineaient pas devoir en arriver là. Chaque jour, vous devez trouver une solution face à cette réalité: il faut manger.

Pas besoin de se retrouver dans la rue pour faire face à cette réalité. Nombreuses sont les personnes à faible revenu qui n’arrivent pas à bien se nourrir.

En 2022, l’Observatoire des inégalités au Québec sortait le rapport La faim justifie les moyens. Un constat de ce rapport montre l’ampleur du phénomène:

En moyenne un million de personnes par an souffrent d’insécurité alimentaire au Québec depuis au moins 2015. Parmi elles, près de 700 000 vivent une situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave (quantité ou qualité de nourriture compromise, ou repas sautés).

Un million par an, sur une population qui est passée de 8,2 à 8,8 millions dans la même période. L’auteurs du rapport, le chercheur François Fournier, estimait qu’environ 15% de la population du Québec souffrait d’insécurité alimentaire en mai 2022.

Mince consolation: le taux d’insécurité alimentaire est plus bas au Québec que dans l’ensemble du Canada dont le taux se situe autour de 18%. L’Alberta, une province riche s’il en est, avait un taux de 22% pour l’année 2022.

L’ironie de la situation, c’est que notre régime d’assurance santé – oui je sais je devrais écrire d'assurance maladie, mais je préfèrerais un régime qui cherche à prévenir la maladie – absorbe le coût de la malnutrition due à l’insécurité alimentaire. Je n’ai pas trouvé de chiffres plus récents, mais le Groupe de travail canadien sur la malnutrition estimait en 2016 qu’un patient qui souffre de malnutrition coûte 2000 $ de plus qu'un patient bien nourri.

La situation est particulièrement révoltante dans le cas des tout-petits qui subissent les effets de l’insécurité alimentaire, selon le Dr Vincent Paquin, résident en psychiatrie à l’Université McGill, qui s’intéresse aux conséquences de l’insécurité alimentaire sur les enfants.

Le manque de nourriture peut causer une sensation de faim qui peut être pénible pour les tout-petits. Dans les cas les plus sévères, les carences alimentaires peuvent affecter leur croissance et même le développement de leur cerveau. Observatoire des tout-petits. L’insécurité alimentaire, un enjeu complexe.

Il y a aussi le risque d’obésité chez l’enfant parce que les familles ayant peu d’argent se tournent vers des aliments moins chers, denses en énergie comme la malbouffe et les boissons sucrées, pour prévenir la faim.

Dans la même entrevue, le Dr Paquin a également fait état d’une étude longitudinale du développement des enfants du Québec qui démontre que si le risque d’insécurité alimentaire persiste dans le temps, il «est associé avec des problèmes à long terme au niveau des relations sociales et du fonctionnement scolaire qui peut mettre en danger la réussite académique.»

Or, un enfant sur cinq au Québec vit de l’insécurité alimentaire.

Pourtant, aucune stratégie d’ensemble officielle ne vise directement la lutte contre l’insécurité alimentaire au Québec. Pire, selon Lucie Lamarche, professeure de droit à l’UQAM et à l’Université d’Ottawa, « le droit à l’alimentation n’existe même pas au Québec! La charte des droits et libertés, ainsi que les droits ordinaires, sont totalement muets (sur ce thème). »

Le droit à l’alimentation est pourtant garanti par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont le Canada est signataire.

Il y a quelque chose de pourri au royaume du Québec où le gouvernement accorde des baisses d’impôt qui vont priver le trésor public de plus de 9,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, alors même que l’insécurité alimentaire persiste.

Comme le dit si bien Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, dans une lettre d’opinion publiée en décembre dernier:

L’insécurité alimentaire nourrit notre indignation!


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