L'erreur identitaire

En janvier dernier, le chef du Bloc québécois qualifiait la société québécoise de «très généreuse société d'accueil». Si c'est le cas, comment s'explique la montée d'un nationalisme identitaire de moins en moins complexé qui me semble une dangereuse dérive?

#Migration #Nationalisme #Polarisation #Politique

Yves-François Blanchet était interviewé par la Presse canadienne dans un article repris sur le site de Radio-Canada. Blanchet ajouta «Il faut que ce soit une seule culture, une seule nation, avec toute sa diversité. C'est ça, le Québec. Et on est en train d'échapper ça.»

Notez la contradiction entre les mots «une seule» et «diversité» dans la même phrase.

De fait, ce que nous sommes en train d'échapper me semble plutôt le nationalisme d'ouverture qui caractérisa les premières années du Bloc québécois et surtout, du Parti Québécois.

Ce dernier est passé d'un nationalisme civique, politique, ouvert ou inclusif de ses premières années, à un nationalisme ethnique, fermé, replié ou exclusif, c'est-à-dire un nationalisme identitaire.

Jean-François Laniel, professeur au Département de sociologie de l’Université Laval, distingue trois tendances dans l'évolution récente du nationalisme québécois: «la renationalisation du champ politique québécois, reconnaissable à un regain nationaliste à la fois culturel et politique (...) la républicanisation du nationalisme québécois, plus exactement la républicanisation des politiques publiques et du discours sur l’identité et l’histoire nationales (...) l’écologisation du nationalisme québécois (extraits de l'article Le nationalisme québécois au XXIe siècle. Trois tendances récentes)

J'avoue que la troisième tendance m'a d'abord intriguée. Selon Laniel, elle procurerait une justification morale et un horizon éthique au nationalisme québécois.

En somme, Québec inc. remplacé par Québec vert.

Quant à la première, on a pu croire qu'après la défaite du oui au référendum de 1995, la lutte politique se ferait désormais entre les progressistes et les conservateurs. Mais le nationalisme s'était tout simplement fait plus discret.

Jusqu'à ce que la crise des accommodements raisonnables et le débat sur la laïcité du Québec, le remettent à l'avant-plan.

Comme le dit l'adage, chassez le naturel...

Sauf que ce qui est revenu au galop, c'est un glissement vers un nationalisme intolérant.

Autant l'approche civique du nationalisme québécois témoignait d'une ouverture et d'un accueil des personnes venant vivre ici à laquelle j'adhérais, autant le nationalisme identitaire me décourage.

Le nationalisme québécois avait cessé d’être un projet progressiste et «ouvert sur le monde» pour devenir un conservatisme centré sur la défense des valeurs de la « majorité historique francophone », comme l'explique la journalisme Francine Pelletier dans son livre _Au Québec c’est comme ça qu’on vit.

En écoutant l'entrevue qu'elle a donnée à Radio-Canada en septembre dernier où elle explique d'où lui est venu l'idée de ce livre – un Premier ministre qui dit dans une adresse à la nation que les personnes venues vivre ici doivent accepter de vivre comme nous –, je n'ai pas pu partager ses craintes, formulées vers la fin de l'entrevue, de voir la culture québécoise noyée dans la culture mondiale à la sauce étasunienne qui déferle sur le Québec.

Nous avons la chance de vivre à une époque où l'accès à toutes les cultures du monde n'a jamais été aussi facile et il faut s'en réjouir. Ce n'est pas plus une menace que l'immigration.

La véritable menace, une erreur collective qui a fait souffrir tant de personnes dans le monde, c'est le nationalisme identitaire.

————— En complément: mon billet du 18 avril Signes religieux, déroger ou non aux Chartes?


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