Chante-la ta chanson

Ce succès de 1991 par Jean Lapointe pourrait-il l'être si la chanson sortait aujourd'hui? Si je me fie au Palmarès des enregistrements musicaux pour le Québec en date du 4 avril dernier, j'en doute. On pourrait voir cette domination de chansons non québécoises comme une ouverture sur le monde, sauf qu'elle est passablement étatsunienne, cette ouverture.

#Culture #Musique #Radio #Streaming

Sur les 20 chansons les plus écoutées au Québec du 29 décembre 2023 au 4 avril 2024, selon ce palmarès compilé par Statistiques Québec, 13 proviennent des États-Unis, trois du Canada anglais, deux du Québec et deux d'ailleurs dans le monde (Angleterre et la Barbade).

Sur la même page de Statistique Québec, on peut choisir de voir quelles furent les 20 pistes les plus écoutées pour la même période. Elles sont toutes en anglais, y compris Confetti par Charlotte Cardin en 20e place (elle a fait une version qui mélange le français et l'anglais, mais il s'agit sans doute de sa version tout en anglais).

Quand aux 20 pistes interprétées par des artistes d'ici ayant eu le plus de succès, elles sont le fait de six artistes (huit par les Cowboys Fringuants, ce qui est compréhensible dans les circonstances).

Le streaming domine de plus en plus le mode d'écoute. Or, comme l'écrivait Étienne Paré dans Le Devoir du 3 novembre 2023, le Québec est différent d'autres pays qui écoutent beaucoup plus leurs artistes locaux.

En République tchèque, en Hongrie, en Suède, en Finlande, dans presque tous les pays européens qui ont une population semblable à celle du Québec, le constat est le même : le classement sur Spotify est dominé par des artistes locaux qui chantent dans leur langue. Pourquoi le Québec fait-il exception ? Sur les plateformes d'écoute, le Québec s'américanise

Je ne relève pas ces données pour critiquer ce que les Québécois·e·s écoutent, ni même la langue dans laquelle les artistes d'ici chantent. Après tout, chaque individu est bien libre de faire ses propres choix. Du reste, j'ai toujours détesté un certain nationaliste puriste.

Quant à savoir pourquoi le Québec est différent de ces pays mentionnés par Étienne parés, c'est tout simplement parce que nous ne sommes pas un pays à leurs yeux.

Mais mon propos est autre en écrivant ce billet.

Je souhaite plutôt attirer l'attention sur le peu d'ouverture au reste du monde dans ce qui domine notre écoute. Qu'en est-il des artistes qui chantent dans leur propre langue de la Chine ou du reste de l'Asie, de l'Allemagne ou autre pays européens, des divers pays d'Afrique, d'Océanie, d'Amérique du sud.

Pourtant, il y en a tellement de vraiment intéressant·es.

À quoi est dû ce manque d'intérêt pour des artistes qui ont du succès dans d'autres langues?

En ce qui concerne la musique en streaming, vous devez bien vous douter que les algorithmes y sont pour quelque chose.

Mais du côté des radios, les exigences du CRTC et le besoin d'attirer des annonceurs qui vont de plus en plus vers les GAFAM, contribueraient-elles à les cantonner, ou presque, au Canada et aux États-Unis?

Il faudra voir ce qui finira par accoucher du CRTC, mais il s'agit de mesures pour soutenir le contenu d'ici.

La réponse au manque d'intérêt sur ce qu'il se passe ailleurs me semble cependant dû à un tout autre phénomène, la concentration des entreprises qui enregistrent la musique que soulignait Étienne Paré dans son article du 3 novembre 2023.

Peu importe le pays, le palmarès est dominé par les trois mêmes grandes compagnies de disque : Sony, Warner et Universal — « les majors », comme on les appelle dans le jargon. Cette hégémonie fait en sorte que le son que l’on entend dans les rues de Buenos Aires ou de Marrakech n’est parfois pas si différent, malgré quelques particularités culturelles.

Ce sont ces mêmes entreprises qui ont une très grande influence sur ce que les gens écoutent. Après tout, elles sont là pour mousser leurs artistes dans des marchés qu'elles maintiennent fragmentés.

Le Québec est dans le marché nord-américain de la musique.

En complément: La musique québécoise condamnée à disparaître?


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