Vous avez possiblement droit à un environnement sein

Tellement d’informations nous échappent. Prenez ce vote en juin dernier, au Parlement canadien, d'une clause qui garantit que chaque Canadien·ne a droit à un environnement sain et qui impose au gouvernement fédéral le devoir de protéger ce droit. Je ne suis sûrement pas la seule à qui ce vote a échappé. Je me demande toutefois si on doit se sentir rassuré par cette clause?

#Droit #Environnement #JusticeEnvironnementale #Pollution #Sante #Tribunaux

Le Parlement canadien a en fait concrétisé une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, appuyée en 2022 par 161 pays dont le Canada, reconnaissant le droit à un environnement sain, selon cette publication de recherche de la Bibliothèque du Parlement datée du 15 janvier 2024.

La reconnaissance du droit à un environnement sain s'ajoute au préambule de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, une loi qui date de 1999.

Le paragraphe 3(1) définit un environnement sain comme un « environnement qui est propre, sain et durable ». Cette définition est conforme à la définition de ce droit donnée par l’Assemblée générale de l’ONU. Voir Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE), L.C. 1999, ch. 33.

Quand à son application concrète, il va falloir attendre d’ici juin 2025 le cadre de mise en œuvre qui va préciser à la fois les principes et les mécanismes à l’appui de ce droit.

Au Québec, on avait pris pas mal d'avance sur Ottawa. Le droit à un environnement sain a fait son entrée dès 1978 dans le préambule de la Loi sur la qualité de l’environnement, puis il fut consacré en 2006 par l'article 46.1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Le hic, c'est que l'article 46.1 s'applique « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi » (Source: Centre québécois du droit de l'environnement).

Concrètement, ça veut dire qu'il est possible de porter atteinte au droit à un environnement sain si une loi encadre cette atteinte. Donc, 46.1 n'a pas de valeur supra législative et sa portée dépend fortement des autres lois québécoises.

Un genre de clause dérogatoire, en somme.

Mine de rien, au fil des années il y a eu au Québec plusieurs actions collectives qui ont un rapport avec un environnement sain. Dans l'article paru en 2020 L’action collective environnementale au Québec, de l'avocat Michel Bélanger, ce dernier cite plus de 32 causes regroupées en deux groupes: Bruit, poussière et odeurs (23 causes) et Contaminants divers (9 causes).

Pour Me Bélanger, «l’action collective n’est sûrement pas la voie à privilégier pour solutionner les conflits environnementaux, mais elle demeure souvent l’ultime recours pour rétablir un équilibre rompu par l’appropriation abusive qu’un tiers peut exercer sur l’environnement commun».

Toutefois, ce n'est pas le droit à un environnement sain qui est évoqué dans ces actions collectives, mais plutôt un intérêt de droit public à assurer la protection de l'environnement.

N'étant pas juriste, je ferais l'hypothèse que la difficulté viendrait du fait, comme l'écrivaient Sophie Thériault et David Robitaille dans un article d'un numéro de la Revue de droit de McGill parue en décembre 2011, que le droit à un environnement sain serait «tout au plus, d’un « droit » moral et symbolique reflétant l’importance que les Québécoises et les Québécois accordent à l’environnement.»

Je nuance; Sophie Thériault et David Robitaille écrivaient aussi qu'ils croyaient que l'article 46.1 aurait une portée juridique plus grande. Peut-être qu'un recours à cet article m'aura échappé, mais je n'ai pas trouvé de causes, ou d'ententes hors cours, démontrant que leur optimisme s'est avéré justifié.

Sans doute parce que, selon ce que j'ai cru comprendre, une personne dont le recours est fondé sur le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité doit démontrer qu’elle a été personnellement et directement atteinte par la violation de ce droit.

Est-ce que la modification à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement pour y inclure le droit à un environnement sain va faciliter le recours aux tribunaux sur la base de ce droit?

Peut-être, mais ça me semble compliqué dans notre système politique où l'environnement relève de compétences soit fédérales, soit provinciales ou partagées.

Alors, est-ce que vous êtes rassuré·e·s?


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