Sommes-nous si influençables?

La Chambre des représentant·e·s du Congrès des États-Unis a voté en faveur d’une loi qui obligera Bytedance à vendre Tik Tok si les sénatrices et sénateurs de ce pays votent dans le même sens. Une des raisons évoquée est le risque que le gouvernement chinois influence l’électorat étatsunien. Ce qui m’amène à me demander pourquoi cette crainte d’une influence étrangère sur l’électorat d'un pays?

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En fait, la vraie question c’est pourquoi les gens sont influençables à ce point? Les enfants sont influençables, les ados aussi, mais les adultes?

Comment décidons-nous de nos choix électoraux? En 2019, un rapport du service scientifique interne de la Commission européenne, Comprendre notre nature politique, expliquait que «les décisions politiques sont fortement influencées par l’identité de groupe, les valeurs, les visions du monde, les idéologies et les traits de personnalité» (page 37 du rapport).

Ce qui pose problème dans le cas des valeurs, toujours selon ce rapport.

Etant donnée l’absence d’une science claire des valeurs, ces cadres sont toutefois mal compris. Il n’existe pas non plus de consensus général parmi les scientifiques sur c que sont les valeurs car les théories en la matière divergent. Un des principaux problèmes vient du fait que les valeurs sont des constructions mentales pouvant uniquement être déduites et pas directement mesurées.

Il se trouve que l’identité de groupe et les visions du monde dépendent des valeurs partagées. Or, selon des recherches dans le domaine des neurosciences, le besoin d’appartenance à un groupe peut être aussi fort que le besoin de se nourrir ou de s’abriter.

Ajoutons à cela un phénomène observé en Suisse, mais qui pourrait bien être général dans les démocraties: la diminution du nombre de personnes qui s’identifient à un parti politique en particulier, ce qui a pour effet de rendre le vote plus volatil.

En raison de leur nombre croissant, les personnes sans attachement partisan – celles qui ne se sentent proches d'aucun parti ou ne s’identifient à aucun parti – sont devenues plus importantes pour la force électorale des partis par rapport aux années 1970. L’évolution des identifications partisanes en Suisse 1971-2019

On a donc de moins en moins de personnes dont les convictions partisanes ou idéologiques sont arrêtées. En revanche, il semble que la polarisation affective ait plutôt tendance à augmenter. Or, il vous vient sûrement des exemples en tête, c’est en jouant sur l’affect, c’est-à-dire sur les émotions, que les partis politiques réussissent à mobiliser les valeurs des citoyen·ne·s au point de forcer un positionnement que le besoin de sentir qu’on appartient à un groupe doit contribuer à renforcer.

Tiens comme c’est curieux, c’est justement sur les émotions que jouent les principaux médias sociaux pour retenir le plus longtemps possible les gens qui y sont abonnés.

Dans son rapport sorti en février dernier, l’organisme Freedom House conclut à un recul de la liberté pour une 18e année de suite, recul attribué à la polarisation au sein des populations.

(…) les manipulations électorales, la guerre et les atteintes au pluralisme, c’est-à-dire à la coexistence pacifique d’individus qui ne partagent pas les mêmes idées politiques, la même religion ou la même identité ethnique, jouent un rôle majeur dans cette tendance mondiale. Freedom House. Les manipulations électorales et les conflits armés à l’origine d’un recul de la liberté pour la 18e année consécutive.

On comprend les élu·e·s au Congrès américain de craindre l’intervention de puisssances étrangères lors des élections de novembre prochain.

Mieux vaut garder pour soi la capacité de manipuler l’électorat en jouant sur les émotions.


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