Soins infirmiers: déshabiller Pierrette pour habiller Pauline

Quand j’ai vu que notre ministre des Finances demande au réseau de la santé de réduire ses coûts, puis ce CIUSSS qui dit qu’il va le faire en diminuant l’embauche de ressources privées et plutôt recruter à l’étranger, j’ai tout de suite pensé à ce vieux dicton que j’ai féminisé parce que le réseau de la santé, c’est surtout des employées. Les pays où ce CIUSSS compte aller chercher sa main d’oeuvre, ils vont embaucher où, eux?

#Sante #SoinsInfimiers #PersonnelEtranger #MainDOeuvre

En découvrant que le dicton original fait référence à Saint-Pierre et Saint-Paul, je me suis rappelé l’époque pas si lointaine où l’Église catholique était le principal maître d'œuvre des services hospitaliers, du moins pour les francophones.

En cherchant, j’ai découvert qu’avant l’instauration du régime de santé public à la fin des années 1960, l’Église privilégiait la mise en place d'un régime d'assurances-hospitalisation obligatoire qui serait confié aux assureurs privés”) plutôt qu'à l'État. L’Église qui à toute fin pratique contrôlait les hôpitaux (sauf ceux des milieux anglophones), craignait que l'étatisation de l'assurance-hospitalisation une première étape vers l'étatisation complète du système de santé.

Ce qui est ironique – quand donc l’histoire ne l’est-elle pas –, c’est qu’aujourd’hui c’est la place du privé dans notre système de santé que l’on craint. À juste titre, je tiens à le préciser.

C’était l’époque où les hommes étaient médecins et les femmes, infirmières. Depuis 2018, il y a plus de femmes que d’hommes qui sont médecins, mais les hommes représentent à peine 11,67 % du personnel infirmier (chiffres de 2023). J’imagine que dans le cas des ressources privées, les chiffres doivent être équivalent, mais je ne les ai pas trouvés.

Venons-en au recrutement à l’étranger. Dans un communiqué émis le 16 février 2022, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) offrait «sa pleine collaboration pour faciliter les démarches des 1 000 infirmières et infirmiers supplémentaires qui seront recrutés à l’étranger au cours des 2 prochaines années.»

Le hic, c’est qu’à l’étranger il y a aussi des pénuries de personnel.

Au moins 55 pays luttent contre de graves pénuries de personnel de santé alors que les travailleurs continuent d’être attisés par les opportunités mieux rémunérées proposées dans les pays plus riches. 55 pays confrontés à une pénurie de personnel de santé liée à la Covid-19 (OMS)”)

Les problèmes que pose le recrutement des pays riches dans les pays qui le sont moins ne datent pas d’aujourd’hui. Mais les nombreux départs à la retraite dans les pays riches ajoutent une pression supplémentaire aux systèmes de santé déjà précaire de ces pays moins riches.

Par exemple, l’OMS avertissait en 2022 qu’une bombe à retardement menaçait les soins de santé dans la Région européenne où les pénuries de personnel de la santé et des soins pourraient provoquer une catastrophe. Au même moment, l’OMS nous informait que des pénuries chroniques de personnel entravent les systèmes de santé en Afrique.

Un véritable noeud gordien. Si les pays riches le résolvent en allant chercher du personnel dans les pays qui le sont moins, la situation de ces pays va empirer.

À l’occasion de la Journée internationale des infirmières 2022, la présidente du Conseil International des Infirmières rappelait que les femmes forment 70% de la main-d’oeuvre en santé au niveau mondial. Puis elle ajoutait ce qui suit:

Par son ampleur, la pénurie mondiale d'infirmières est l'une des plus grandes menaces pour la santé dans le monde. Mais les gouvernements ne lui accordent pas l'attention qu'elle mérite. L'accès aux soins de santé est essentiel à la sécurité, à la sûreté, à la réussite économique et à l'équité des sociétés. Cependant, cet objectif ne sera atteint que si nous disposons d’assez d'infirmières pour prodiguer les soins nécessaires. Pour le CII, « la pénurie de main-d’œuvre représente la plus grande menace pour la santé mondiale »

Sans compter le fait que les femmes exerçant la profession d’infirmière sont souvent mal rémunérées et comptent à peine 25% des postes de direction, rappelait-elle.

Ce sera tentant pour plusieurs infirmières dans les pays moins riches de venir au Québec.

Toujours en 2022, le site Enjola qui porte sur les dernières nouvelles et les exigences liées à l'immigration, les études, le travail et le tourisme au Canada, informait que le Québec recrute gratuitement des infirmier(ère)s à l’étrangers à l’étranger”).

Après avoir énuméré les conditions très alléchantes sous lesquelles se font les embauches, on peut lire ce qui suit dans l’annonce sur Enjola:

Bien qu’aucune garantie ne soit offerte, la perspective d’accéder à l’immigration permanente sera alors très bonne, compte tenu de l’expérience québécoise acquise dans une profession réglementée très en demande sur le marché du travail québécois.

Or, on sait que le gouvernement actuel veut réduire l’immigration permanente.

Enjola préciseaussi que le recrutement s’adresse aux personnes formées en soins infirmiers en Algérie, au Cameroun, au Maroc, au Sénégal et en Haïti.

Tous des pays où les départs vers les pays riches vont contribuer à agraver une situation déjà difficile.

Est-ce vraiment ce qu’on veut?

Image: Infirmière faisant passer une entrevue à un employé à l’usine E. B. Eddy, Hull (Québec), mars 1946, mars 1946”). Cette photo est très spéciale pour moi, mon grand-père paternel ayant débuté sa carrière dans cette entreprise avant de venir s’installer à Shawinigan.


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