Productivité ou bien-être collectif?

Notre premier ministre, M. François Legault, nous met devant un dilemme: maximiser le P.I.B. par habitant pour rejoindre l'Ontario, quitte à sacrifier l'accent mis sur le bien-être collectif au Québec. Je ne sais pas vous, mais moi je n'ai aucune hésitation à dire non merci au recul sur le bien-être collectif.

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En 2021, le P.I.B. par habitant du Canada se chiffrait à 52 515,20$ selon les données de la Banque mondiale, alors qu'il se situait à 48 133$ au Québec, selon Institut de la statistique du Québec.

La même année, le Canada a émis plus de 670 mégatonnes de GES pour une population de 36,9 millions. Le Québec a émis 77,6 mégatonnes de ce total canadien, soit 11,6 % des émissions.

Loin de moi de nier qu'on en émet moins que le reste du Canada, mais on en émet encore trop.

Ces GES de 2021 ont été émis par des équipements qui ont occasionné l'extraction de minerais, la coupe d'arbres et d'autres ponctions de ressources, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde.

À cet effet, l'Institut de la statistique du Québec sortait en juin 2023 une première estimation de l'empreinte carbone de la société québécoise et de l'empreinte carbone des exportations. Celle-ci s'élève à quelques 95 millions de tonnes d'équivalent CO2 pour l'année analysée (2018), soit 11,3 tonnes par habitant.

Est-il besoin de le répéter, il y une limite à ce qu'on peut demander à la nature. L'amélioration du bien-être collectif repose certes sur une redistribution de la richesse et sur des services publics adéquats, mais aussi sur un environnement qui ne soit plus une menace pour toutes les espèces vivantes.

Le 17 février dernier, je me demandais si notre salut ne résiderait pas dans la décroissance. J'en venais à la conclusion que la résistance à l'idée de décroissance est forte, autant chez les économistes que dans la population en général, tellement l'incitation à consommer est forte.

Il se trouve que le 12 mars sortait le Rapport sur le Développement humain 2023-2024 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). En résumé, nous dit le rapport

Après une période de fléchissements importants en 2020 et 2021, l'indice de développement humain –un indicateur synthétique prenant en compte le revenu par habitant, l'éducation et l'espérance de vie – a atteint son niveau le plus élevé jamais enregistré au niveau mondial.

On peut s'en réjouir, mais si on ne baisse pas notre propre consommation pour compenser la hausse légitime de consommation dans les pays en développement, il va nous falloir une autre planète.

Quelques mois auparavant Luc Godbout et Suzie St-Cerny, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, affirmaient dans une analyse que «le classement au PIB réel par habitant possède bien un pouvoir de prédiction quant au classement selon l’Indice de développement humain».

Si on se fie à leur analyse, la croissance du P.I.B. contribuerait à l'accroissement du bien-être tel que mesuré par cet indice. À la fin de leur analyse, les deux fiscalistes vont même jusqu'à suggérer une loi cadre sur l’enrichissement collectif qui viserait à combler l'écart avec l'Ontario, tout en mettant en garde contre les inconvénients de cette approche.

Plus fondamentalement, l’enjeu de l’acceptabilité sociale d’un tel objectif d’enrichissement se pose. Il y a un risque que des efforts pour atteindre cet objectif [par le biais d'une loi cadre] soient perçus comme se faisant au détriment d’autres priorités gouvernementales.

Les autres priorités gouvernementales ne sont pas spécifiées, mais on se doute que ce pourrait être des dépenses liées à la santé, l'éducation, la culture, les transports collectifs... bref des dépenses qui amélioreraient le bien-être collectif plutôt que des baisses d'impôt qui favoriseraient la consommation et contribueraient à retenir ou attirer des entreprises.

Déjà, le gouvernement a annoncé qu'il va falloir diminuer la dette publique, nous préparant à une période d'austérité. On connait le cycle: baisses d'impôt, endettement public, austérité et on recommence.

Qu'en est-il au juste de cette affirmation de Luc Godbout et Suzie St-Cerny, selon laquelle le classement au PIB réel par habitant prédirait le classement selon l'indice de développement humain?

Comme le précisent Mathieu Dufour et Guillaume Hébert dans une publication datée du 7 mars sur le site de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), «le PIB par habitant·e est une mesure qui met de l’avant une vision étriquée du bien-être et qui comporte plusieurs lacunes.» dont le fait qu'il ne tient pas compte de la pollution ou la détérioration des écosystèmes.

Ainsi, plutôt que de se concentrer sur l’augmentation du PIB par habitant·e, le gouvernement gagnerait à mieux cibler les besoins de la collectivité pour répondre aux défis du XXIe siècle (crise des inégalités, crise écologique, crise des services publics, etc.).

Parce qu'on se demande à quoi servirait d'augmenter la richesse du Québec si ça se fait sans tenir compte des limites de la planète et sans contribuer au bien-être de la population.

Baisser les impôts contribue peut-être à hausser les dépenses de consommation, des dépenses qu'il faudrait plutôt diminuer avant d'atteindre les limites de notre planète.

Il serait vraiment étonnant par contre que les baisser contribue au bien-être collectif.

Source de l’image: capture partielle de la page frontale du rapport sur le développement humain 2023-2024 (lien dans le billet).


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