L'endettement creuse les inégalités

En quoi l’endettement influence les inégalités au Québec et plus particulièrement les inégalités sociales de santé ? C'est la question que fouillent Geoffroy Boucher et Sandy Torres de l'Observatoire québécois des inégalités dans une note d’analyse qui vient tout juste de sortir. L'occasion de réfléchir sur ce que la généralisation croissante du recours au crédit a eu comme impact sur les personnes vivant avec peu de moyens.

#Dettes #ExclusionSociale #Inegalites #Sante #Societe

Je ne vous révélerai pas grand chose en vous disant que nous sommes une société d'endettés. Selon cette note d'analyse, L’endettement comme générateur d’inégalités au Québec, la valeur moyenne de la dette des familles y a augmenté de 85 % en 20 ans.

Or, le crédit et l’endettement se sont généralisés au point de structurer les inégalités.

En effet, l’endettement constitue un levier d’avancement socioéconomique pour un grand nombre de personnes. Mais pour celles qui éprouvent de la difficulté à rembourser leurs dettes, il peut devenir un facteur d’appauvrissement. La dette représente donc une épée à double tranchant : susceptible d’avantager certaines et de nuire à d’autres.

Je suis allée jeter un coup d'œil sur la valeur en dollar constant, et j'apprends que pendant ce temps, l'inflation a fait en sorte qu'il faut aujourd'hui $152 CAD afin de pouvoir s'offrir l'équivalent de $100 d'il y a vingt ans.

En gros, il y a deux sortes de dettes soit celle à la consommation et la dette hypothécaire. En 2019, nous apprend la note d'analyse, la dette totale des familles qui font partie du premier quintile (celui des personnes les moins nanties au Québec) est majoritairement composée (74 %) de dettes à la consommation.

C'est le contraire pour les autres quintiles où la dette hypothécaire varie de 78 à 82% de la dette totale.

Je me rappelle un épisode de ma vie où j'ai dû remplir mes cartes de crédit, comme on dit. Je venais de divorcer. Heureusement, j'avais un emploi professionnel avec un bon salaire et au bout de quelques années à peine, j'ai pu non seulement vider mes cartes, mais aussi acquérir une propriété.

Plusieurs n'ont pas cette chance. De fait, peut-on lire dans la note d'analyse, «puisqu’il (le crédit) revêt une importance capitale dans la société contemporaine, ne pas y avoir accès engendre une forme d’exclusion sociale.» D'autant plus que les dossiers de crédit sont fréquemment considérés dans la sélection des locataires sur le marché locatif privé.

Qui dit endettement sans grande possibilité de le réduire, dit niveau de stress élevé, «associé à une pression artérielle plus élevée, à l’obésité, à une mauvaise santé mentale, ainsi qu’à un mauvais état de santé générale».

Selon les données de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois, chez les personnes ne présentant aucune difficulté à rembourser leurs dettes, le niveau de stress engendré par celles-ci atteint une moyenne de 2,9 sur une échelle de 1 à 10, où 1 signifie « aucun stress » et 10 un « stress extrêmement élevé ». Chez les personnes pour lesquelles le remboursement des dettes s’avère très difficile, le niveau de stress moyen grimpe à 9,8.

Ce qui est terrible, en ce qui concerne la santé liée à l'endettement, c'est que non seulement il peut nuire à la santé, mais un problème de santé peut conduire à la contraction de dette. Bref, les personnes à faible revenu doivent avoir l'impression de tourner en rond.

Ce qui doit être pénible dans nos hôpitaux avec la pénurie de personnel.

Plus sérieusement, une personne sur cinq du premier quintile a des problèmes de santé qui résulte de l'endettement, toujours selon l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois.

Une façon de lutter contre l'exclusion sociale liée à l’endettement et de réduire les inégalités de patrimoine, nous disent Geoffroy Boucher et Sandy Torres, serait de rehausser les mesures de soutien au revenu des personnes les moins nanties, combiné à un filet social et économique plus robuste.

La note d’analyse prône aussi de favoriser l’éducation financière et la protection des consommateurs face au manque de connaissances financières et aux achats impulsifs qui contribuent au surendettement.

Enfin, garantir un accès plus équitable au crédit hypothécaire pour les personnes à faible revenu les aiderait qu'elles puissent acquérir un patrimoine financier.

C'est tout de même incroyable, par exemple, qu'une personne à faible revenu qui vit sur l'aide sociale alors qu'elle hérite d'un bien immobilier doive d'abord écouler les revenus de la vente de ce bien avant de pouvoir à nouveau obtenir de l'aide sociale.

Non seulement l'endettement creuse-t-il les inégalités, mais en plus l'État veille à ce que ça demeure le cas.


Si vous êtes membre de Remarks.as, vous pouvez commenter ce billet sur Discuss....