Le choix des mots en politique

Ce matin je lisais la chronique de Vincent Brousseau-Pouliot dans le journal La Presse et ça m’a rappelé Write to the Point, un manuel rédigé par le local 602 de l’United Automobile Workers of America (UAW). Le but de ce manuel était de contrer le discours de la droite étatsunienne en proposant un contre discours progressiste. Ce que j’en avais retenu, c’est que le choix des mots en politique n’est pas innocent.

#Politique #Communication

Dans sa chronique, Non, les impôts ne nuisent pas à l’économie, Vincent Brousseau-Pouliot remet en question la cassette du premier ministre François Legault disant que «les impôts au Québec sont dans le plafond et ça nuit à l’économie». Étonnamment, il reprend sans la critiquer l’expression «fardeau fiscal», comme s’il était évident que la fiscalité est un fardeau.

Il faut savoir que cette notion de fardeau fiscal est un indicateur d'analyse fiscale proposé par le Fonds monétaire international. Ce n’est pas pas surprenant que tout le monde à droite comme à gauche l’utilise sans se poser de question sur sa connotation négative.

Une autre notion allant dans le même sens est celle de l’État obèse. Dans ce cas, on sait sans le moindre doute qu’elle est véhiculée par la droite.

Un mot peut avoir plusieurs sens et ces sens peuvent être dénotés, c‘est à dire utilisés dans leur sens objectifs inscrits au dictionnaire, ou connotés, c’est-à-dire impliquer une valeur culturelle ou morale pour des personnes qui ont une expérience ou des références communes.

Les conseillière·ier·s politiques sont des spécialistes de la connotation. Il faut lire l’article Les maux des mots politiques pour le réaliser.

Un extrait:

Les mots sont des armes redoutables dans l’espace civique. En politique, les élus comme leurs conseillers les choisissent minutieusement avant de les livrer au public et en écartent d’autres après moult analyses et discussions internes. 

Le FMI n’a pas dû choisir le terme fardeau fiscal sans se douter de l’impact qu’aurait ce choix dans le débat sur la fiscalité.

Je ne voudrais pas donner l’impression que seule la droite cherche à influencer le public par un choix de mots connotés. Par exemple, les expressions justice fiscale et paradis fiscaux que l’on retrouve dans les discours progressistes sur la fiscalité sont très utiles en ce sens.

Un autre exemple pris à droite et à gauche qui n’a rien à voir avec l’impôt est le mot woke et son dérivé, le wokisme. Dans une conversation récente avec la fille, j’ai réalisé qu’elle n’avait aucune idée de l’origine de ce mot. J’ai dû lui expliquer qu’être woke, c’était être éveillé contre l’injustice et le racisme chez les noirs des États-Unis. Le mot aurait été utilisé en ce sens à partir des années 1940.

Aujourd’hui, il sert d’épouvantail dans le but de caricaturer la cancel culture, un autre terme à connotation négative.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’utiliser un mot connoté est rarement le fruit du hasard en politique.

D’où l’importance de savoir faire la part des choses.


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