L'avenir du français québécois menacé?

Le Commissariat à la langue française remettait récemment son rapport annuel. Ce tout petit organisme (14 employé·es) est chargé d'assurer la vitalité et la pérennité de la langue française, selon une de ses orientations. J'avoue demeurer dubitative face aux craintes qu'elle disparaisse au Québec.

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En prenant connaissance du rapport annuel du Commissariat à la langue française, on constate que celui-ci met l'accent sur trois enjeux: l'usage du français chez les personnes immigrantes, la place du français dans l'enseignement supérieur et le français dans l'espace numérique, notamment dans les services de diffusion en continu.

Prenons ces trois aspects dans l'ordre.

Dans le cas de l'usage du français chez les personnes immigrantes, il faut distinguer celles qui s'établissent au Québec de façon permanente, ou qui aspirent à y trouver refuge, et celles qui viennent y vivre temporairement, essentiellement pour le travail ou pour les études.

Pour l'immigration permanente, le rapport recommande la prudence.

Le commissaire a insisté sur l’importance, avant toute hausse des seuils d’admission à l’immigration, de se doter d’un mécanisme de suivi et d’une cible d’utilisation du français (85 %) qui permettraient au gouvernement de faire des ajustements.

Le chef du Parti Québécois a fait tout un plat en novembre dernier de l'accroissement de l'immigration permanente. Pour lui, «l’accueil d’un nombre sans précédent d’immigrants permanents et temporaires fait craindre une catastrophe à trois volets» (crise du logement, crise du français, crise au niveau des services essentiels).

Pourtant, les chiffres récents indiquent «que la proportion de personnes travaillant principalement en français est passée de 81,8 % en 2001 à 79,9 % 20 ans plus tard, en 2021».

Certes, il faut améliorer l'enseignement du français auprès de celles et ceux qui viennent s'établir au Québec, mais ce que ces chiffres indiquent en fait, c'est que davantage d'entreprises sont intégrées dans une économie mondiale qui utilise largement l'anglais. Ce n'est pas en déroulant le tapis rouge à un fabricant de batteries qu'on va changer la donne, mais en soutenant le développement d'entreprises québécoises.

Du côté de l'usage du français dans l'espace public, il aurait légèrement reculé, mais ce qui est intéressant, c'est que l'usage de l'anglais seulement est en perte de vitesse. C'est le nombre de personnes utilisant à la fois de français et l'anglais qui augmente.

Nous sommes loin d'une situation catastrophique.

Du côté de l'immigration temporaire, les chiffres pour l'année 2023 indiquent qu'au total, il y aurait eu 560 000 résident·e·s temporaires l'an passée.

Ce groupe est notamment composé de 234 000 travailleurs étrangers temporaires, de 177 000 personnes faisant partie de la catégorie des demandeurs d'asile et de 124 000 étudiants internationaux, dont certains ayant un permis de travail. Croissance migratoire record de 217 600 personnes au Québec en 2023

Dans son rapport annuel, le Commissaire à la langue française écrit qu'il a «exposé les obstacles à l’apprentissage du français rencontrés par les immigrants temporaires», dans un rapport intitulé Immigration temporaire : choisir le français.

Comme je le disais dans un billet précédent (C'est quoi ton statut?), on va à l'étranger recruter une main-d’œuvre qui doit passer par des dédales administratifs avant de pouvoir venir au Québec, où elle risque d'alimenter le bassin des personnes les plus vulnérables de la société.

La solution, c'est d'augmenter l'immigration permanente pour faire face à plus long terme aux besoins en main-d'œuvre.

Mais en attendant, que ce soit une main d'oeuvre temporaire, ou des personnes qui ont fui leur pays où elles sont menacées, rien n'empêche, si ce n'est la volonté politique, d'améliorer l'enseignement du français.

En ce qui concerne les effectifs dans les établissements d'enseignement anglophones collégiaux, on constate que ceux-ci sont inférieurs aux contingents alloués. Même chose dans le cas des cégeps francophones où on accorde la permission d'enseigner en anglais. Sur un maximum de 2 773 places allouées, 1 811 ont effectivement été utilisées, en grande partie au Collège LaSalle (1 216 étudiant·e·s).

Finalement, pour ce qui est de la place du français dans l'espace numérique, les données manquent sur l'impact de la prépondérance de l'anglais. Le Commissariat à la langue française a d'ailleurs commandé une étude à l’Institut national de la recherche scientifique «sur les usages linguistiques dans l’espace numérique et leur influence sur les compétences et les attitudes linguistiques des Québécois».

J'ai bien hâte de voir les résultats, mais je doute que le français québécois soit menacé du fait que plusieurs écoutent surtout des chansons en anglais.

Bref, toute cette agitation sur un soi-disant déclin de notre langue me laisse perplexe.


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