La nature est-elle un dépotoir?

Dans ma marche quotidienne, j'ai vu sur le rivage de la rivière Saint-Charles des gens ramassant des objets jetés là sans vergogne. Il n'y avait pas que les habituelles canettes, ou les emballages de chips, chocolat et tutti quanti. Non. Il y avait aussi des objets plutôt volumineux qui n’auraient pas dû se retrouver là. Je me demande d'où vient ce manque de civisme?

#Consommation #Ecologie #Environnement #Nature

Prenez les fameux mégots de cigarette jetés au sol. Une étude suédoise récente a tenté d’identifier certains facteurs associés au jet de mégots, les déchets les plus fréquemment repérés dans l’environnement naturel ou urbain. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'observation du comportement de fumeur·euse·s a révélé que le fait d'être en groupe augmente le nombre de mégots jetés au sol.

Je serais curieuse de savoir si le fait d'être en groupe augmente également le nombre de canettes, sacs de chips et autres jetés dans la nature.

Mais ça indique à quel point ce genre de comportement n'est pas sanctionné par les pairs.

Notez que parfois, la méconnaissance des impacts réels peut expliquer un comportement nuisible à la nature. La plupart d'entre nous croient de bonne foi que les excréments humains abandonnés dans la nature lors de randonnées sont bons pour cette dernière. Ce n'est pas le cas. Nos excréments contiennent des pathogènes susceptibles de contaminer l’eau, tandis que notre urine peut contenir des traces de médicaments.

Même chose pour les aliments. Ce n'est pas parce que c'est naturel que c'est bon pour la nature là où c'est jeté. Surtout quand en plus il y a des additifs qui n'ont rien de naturel.

Plusieurs pourraient également être portés à croire que le problème est beaucoup moins grave ici qu'à d'autres endroits dans le monde.

Combien de fois avons-nous entendu : « Pourquoi nettoyer les plages au Québec alors que le vrai problème se trouve en Inde ou en Chine ? » Hélas, le problème existe bel et bien ici, sous nos yeux, et nous en sommes collectivement responsables. Une dernière bouteille à la mer

Paradoxalement, plus de 91 % des personnes ayant répondu à un sondage sur le sujet commandé par une équipe multi-universitaires ont déclaré être bien engagées dans le recyclage des déchets.

Par contre, dans une vaste enquête de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont les résultats ont été publiés en 2023 on apprend que «les ménages agissent pour réduire leurs déchets par des actions demandant peu d’efforts, mais peinent à changer leurs habitudes de consommation».

On a peut-être là une piste d'explication. Les gens jetteraient leurs déchets dans la nature parce que les conserver jusqu'à l'endroit où ceux-ci pourraient être jetés ou recyclés demande un effort plus grand que de simplement s'en débarrasser sur place.

Mais il y a aussi l'habitus, c'est-à-dire les dispositions, attitudes et modes de comportement intériorisés qui sont façonnés par l'environnement social et culturel dans lequel une personne évolue.

Se pourrait-il que le fait de jeter des déchets dans la nature sans se préoccuper des conséquences relève d'une seconde nature engendrée par une insouciance quant aux effets négatifs d'un tel comportement?

Dans un tel cas d'espèce, tout comme j'écrivais hier dans Consommer: quelles limites aux choix individuels que bon nombre ont de la difficulté à trouver un équilibre entre leur liberté de consommateur et l'urgence de prendre le virage de la sobriété, de même il n'est pas évident de changer un comportement basé sur le consommer/jeter sans égard aux impacts négatifs sur la nature.

Pour que la nature ne soit pas un dépotoir, encore faudrait-il que tout le monde en soit profondément convaincu.


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