Consommer: quelles limites aux choix individuels

On a l'habitude d'opposer les choix personnels aux choix collectifs. Il est vrai que c'est une équation qu'il n'est pas facile de résoudre. D'un côté, il y a les libertés individuelles, de l'autre l'importance d'assumer le fait qu'on ne doit pas nuire à la collectivité. Comment faire pour trouver l'équilibre entre les deux?

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Posséder une voiture est un choix personnel. Choisir plutôt les transports collectifs pour limiter le nombre de voitures individuelles est aussi un choix personnel.

Autre exemple, l'alimentation. On peut choisir une alimentation omnivore, ou alors une alimentation végétarienne, voire végétalienne. On peut aussi faire le choix d'aliments bios ou non bios.

Qu'est-ce qui fait qu'on penche pour un mode de déplacement ou un régime alimentaire en particulier?

Les sociologues Emmanuelle Burq Guzmán et Lucia Seydoux Ameztoy nous donnent une piste de réflexion dans un article intitulé Le bio chez les étudiant.es : entre socialisation et choix individuels. Elles se sont demandé quel est le poids de l’origine sociale et des choix individuels dans la consommation bio chez les étudiant.es?

En fait, et c'est bien là le paradoxe, ce qui est présenté comme un choix individuel est en fait un choix collectif.

Dans le cas des étudiant.es, il y a d'une part l'origine sociale qui joue.

En somme, les étudiant.es issues de milieux privilégiés possèdent un majeur capital économique et culturel. Leur pouvoir d’achat, en combinaison avec une préoccupation hygiéniste de leurs parents lorsqu'il s’agit des pratiques alimentaires pendant l’enfance, incitent à la consommation d’aliments bio.

Mais il y a aussi les préoccupations écologiques de cette génération qui peut expliquer une préférence pour les produits bios.

Bref la dimension sociale, donc collective, joue un grand rôle dans leurs choix individuels.

Dans le cas de l'auto solo versus le transport collectif, on peut présumer que les personnes qui vont s'installer en banlieue ont fait un choix de vie qui inclut la possession d'une automobile.

Ce choix de vie dépend aussi de leur socialisation. Depuis que nous sommes tout petits en effet, on nous a inculqué·e·s les valeurs de la société de consommation.

L'auto solo est un élément clé de la société de consommation. Grâce à elle, on peut aller où on veut, quand on veut.

Sophie Dubuisson-Quellier qui se spécialise en sociologie économique, explique que la souveraineté du choix individuel s'est construite en fonction du rôle des consommateurs dans les sociétés modernes.

En protégeant leurs intérêts et en leur ouvrant l’accès à des droits, les États ont construit de nouvelles formes de démocratie fondées sur la citoyenneté économique que les consommateurs peuvent exercer à travers leurs pratiques de choix. Sophie Dubuisson-Quellier. De la souveraineté à la gouvernance des consommateurs : l'espace du choix dans la consommation

Pour sa part, l'historienne Lizabeth Cohen «utilise la formule de la «République des consommateurs » pour décrire cette forme de citoyenneté fortement fondée sur le rôle que les consommateurs doivent jouer dans la société, c’est-à-dire sur leur contribution directe à la richesse nationale.» (Citation provenant du même article.)

On me répliquera qu'aujourd'hui le choix des consommateur·trice·s pourrait être guidé par des préoccupations quand à l'avenir de la planète. Je ferai l'hypothèse qu'en fait, la vaste majorité adhère au discours dominant centré sur la croissance par la consommation.

J'ai le sentiment que les fondements culturels de ce discours sont tellement ancrés dans les subconscients que bon nombre ont de la difficulté à trouver un équilibre entre leur liberté de consommateur et l'urgence de prendre le virage de la sobriété.

Difficile de limiter ses choix individuels dans un tel dilemme.


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