Trois défis pour nos syndicats

Peu de gens savent que se syndiquer est un droit reconnu dans la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, une convention qui date de 1948. Or, malgré ce droit, les syndicats ne représentent pas la majorité des personnes salariées au Québec. On a même l'impression d'une certaine stagnation depuis quelques années.

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En principe, un employeur ne peut pas nuire aux activités de l’association de ses employés. Outre la Convention internationale, les lois du Québec et du Canada reconnaissent le droit d’association, ou droit à la syndicalisation. Toute personne salariée qui le désire peut choisir d’adhérer à un syndicat et participer à ses activités.

Les syndicats font malgré tout face à un premier défi: de puissants employeurs réfractaires à la syndicalisation de leur personnel.

Des multinationales comme Walmart, McDonald’s ou Disney sont même clairement antisyndicales, comme le notait le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté Olivier De Schutter.

Les activités antisyndicales agressives des employeurs, selon les informations du Rapporteur spécial, entravent d’une manière décisive la capacité des travailleurs d'Amazon et de Walmart à négocier des salaires plus élevés. Les entreprises dépensent en effet des millions de dollars pour contrer les efforts de syndicalisation des travailleurs. Amazon enferme ses travailleurs dans le précariat, selon un expert de l'ONU (1er novembre 2023).

Dans un contexte de concentration des entreprises, de développement de nouvelles formes de relations entre celles-ci et leurs «associé·e·s» (une entourloupette permettant de contrer le droit à la syndicalisation des salarié·e·s), de course au rendement des actions, l'attitude antisyndicale des employeurs n'est pas surprenante.

Tout comme il y a eu un lien entre entre l'ascension de la classe moyenne dans les années 1950-1970 et la syndicalisation (voir à ce propos la chronique récente de léconomiste Alain Dumas), par la suite le syndicalisme va décliner et la classe moyenne reculer dans la plupart des pays riches tandis qu’en parallèle la valeur des dividendes versés aux actionnaires va aller en augmentant. Cette dernière a été multipliée par quinze depuis les années 1980.

Le taux de syndicalisation plus élevé au Québec (autour de 40%) peut sembler une exception. Toutefois, il y a un net déséquilibre entre le secteur public (83%) et le secteur privé (23%), selon les chiffres rapportés dans un article de Jean-François Venne pour le cahier spécial 2022 sur le syndicalisme du journal Le Devoir.

La forme que prend le syndicalisme, une tendance à judiciariser les relations de travail là où le milieu est syndiqué pose un second défi.

Le modèle traditionnel du syndicalisme a bien changé. Aujourd’hui, une grande part de l’activité syndicale passe par la justice : on parle de convention collective, de griefs, de juste représentation des salarié·es. Mélanie Laroche. Judiciarisation des relations de travail : un levier pour les syndicats ? Revue à babord, printemps 2022.

Pour la professeure Mélanie Laroche, cette forme de syndicalisme où la relation avec les mandant·es est considérée comme purement transactionnelle peut sembler rassurante aux yeux de certain·es dirigeant·es syndicaux·ales, face au discours sur l’individualisme croissant des travailleur·euses. Toutefois, ajoute-t-elle, ce n'est pas pas la voie privilégiée dans la littérature spécialisée sur la revitalisation des stratégies et des pratiques syndicales.

S’ajoute un troisième défi qui peut sembler moindre mais qui n’en a pas moins son importance: le milieu communautaire compte à peine 5% de personnes syndiquées.

Dans ce cas, même si le milieu ne semble pas avoir à priori la fibre syndicale, la syndicalisation de petites équipes fait face à une importante embûche légale; ça prendrait une loi encadrant un régime spécifique de représentation, à l'exemple du milieu des CPE.

Toutefois, le gouvernement qui profite de la sous-traitance à rabais de ses missions sociales y est réticent.

Faire face au fort vent antisyndical des entreprises, revigorer un syndicalisme devenu routinier et militer pour que nos élu·e·s adoptent un cadre légal permettant la syndicalisation du milieu communautaire, voilà trois défis parmi d'autres pour nos syndicats.

Sauront-ils y faire face?


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