Sommes-nous des hamsters?

L'économie et la politique ont un élément en commun. Dans un cas comme dans l'autre, beaucoup d’efforts et de ressources pourraient être mieux dirigés si nous étions plus critiques envers les promesses, particulièrement envers les promesses technoscientifiques qui maintiennent le rêve d'une croissance économique sans fin. Un rêve qui repose sur un mode de fonctionnement bien rodé.

#Ideologie #Progres #Science #TechnoScientifisme

Comme l'écrivaient en février 2022 Guillaume Dandurand et Florence Lussier-Lejeune dans l'article du Devoir L’économie de la promesse, «au nom du progrès technologique, les discours optimistes se succèdent pour réactiver la machine à fabriquer des solutions technologiques présentées comme la panacée à nos problèmes sociaux.»

Une des caractéristiques d'une promesse technoscientifique, c'est de mettre l'accent sur ses effets positifs futurs. Elles font donc appel à des imaginaires et à des visions de ce qui sera possible dans le futur.

Une autre caractéristique est que leur cycle de vie se ressemble d'une promesse technologique à l'autre. À une phase de promesses quant au potentiel des innovations dans le but de générer un certain enthousiasme succède un ajustement des attentes, puis l'effritement de l’enthousiasme initial. Enfin, les attentes sont recalibrées, pouvant même aller jusqu'à une réévaluation et à une réorientation du projet initial.

La création d’attentes positives est au cœur des considérations stratégiques des promoteurs. Ce n'est pas banal, parce que ça peut avoir un effet important sur le développement de la science et de la technologie. Les promesses de l'intelligence artificielle sont un bon exemple de cet effet.

Il faut savoir aussi que les attentes collectives sont une source d'inspiration pour les attentes spécifiques engendrées par les promesses technoscientifiques. Il y a donc un contexte qui joue en faveur, où dont savent profiter les individus ou les collectifs qui sollicitent des fonds publics ou privés en lien avec le développement technoscientifique.

Enfin, ce n'est pas parce que les spécialistes formulent des attentes techniquement détaillées qu'elles ou ils sont en mesure de formuler des prévisions réalistes sur le déploiement de la technologie. C'est important de le comprendre pour éviter de se laisser berner par les promesses des Sam Altman de ce monde.

J'ai puisé ces caractéristiques dans l'introduction de l'ouvrage collectif Attentes et promesses technoscientifiques (2022) auquel ont participé Guillaume Dandurand et Florence Lussier-Lejeune, un ouvrage en libre accès sur le site des presses de l'Université de Montréal.

Éric N. Duhaime, chargé de projet à l'IRÉC et chargé de cours à l'UQAM, docteur en sociologie et en philosophie, écrivait en octobre dernier que «l'économie numérique se présente d’abord sous la forme d’un discours qui vise à faciliter le développement des technologies qui lui sont propres et à consolider les transformations institutionnelles et organisationnelles qui lui sont nécessaires».

Les promesses technoscientifiques s'inscrivent dans ce discours essentiellement idéologique. Elles participent d'une injonction à nous adapter à une mutation technologique et économique qui serait inéluctable.

Loin de prendre nos distances face à cette injonction, nous avons plutôt tendance à nous y conformer, tels des hamsters dans une cage.

Certes, tout n'est pas à rejeter, mais tout n'est pas non plus à accepter aveuglément.

Image: extrait de la page frontale de l’ouvrage Attentes et promesses scientifiques.


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