On peut s’offrir le luxe de l’écoanxiété

Les psychologues observent une augmentation des cas d’écoanxiété, cette forme d'anxiété liée aux problèmes environnementaux. Il est vrai qu’il y a de quoi s’inquiéter de notre avenir face aux problèmes environnementaux, mais pour nous c’est encore au stade de l’inquiétude, alors que pour bon nombre d’êtres humains, les conséquences sont immédiates.

#Environnement #Ecoanxiete #SanteMentale

La docteure en psychologie sociale et environnementale Anne-Sophie Gousse-Lessard et le conseiller scientifique en santé publique Félix Lebrun-Paré écrivaient en janvier 2022 ce qui suit:

Le vocable « écoanxiété » a récemment fait son entrée dans le discours médiatique, celui des mouvements sociaux et au sein des milieux éducatifs. Si le milieu de la recherche n'est pas en reste, trop peu d'écrits, particulièrement en français, se sont penchés sur le phénomène que le terme « écoanxiété » tente de saisir et sa prise en compte en éducation. Regards croisés sur le phénomène « d’écoanxiété » : perspectives psychologique, sociale et éducationnelle, Éducation relative à l’environnement 17(1).

En fait, on devine que leur article visait à combler un manque dans le milieu de l'éducation: comment faire face au nombre croissant de jeunes que les médias et médias sociaux inondent de mauvaises nouvelles environnementales, au point ou certains font de l'anxiété?

Après une revue de la littérature sur l'écoanxièté, Anne-Sophie Gousse-Lessard et Félix Lebrun-Paré proposent la définition suivante de l'écoanxiété:

L’écoanxiété est un état de malaise psychologique et parfois physique de degré variable, caractérisé par l'appréhension d’une menace plus ou moins éloignée dans le futur et significativement associée à la catastrophe écologique, elle-même perçue comme incertaine, difficilement prévisible et peu contrôlable.

Dans une publication parue en 2021, Les jeunes et les changements climatiques au Canada et au Québec, Oxfam Québec insiste pour sa part sur la nécessité d'adaptation psychologique d'une génération qui n'a pas de prise sur son avenir, d'où le fait que les jeunes vivent de plus en plus d’anxiété et de chagrin écologiques.

Il y a tout de même un paradoxe dans cette préoccupation que résume bien cette question [posée par Québec Science en novembre 2023](# Faut-il s’inquiéter de l’écoanxiété des jeunes?): «Au Québec, 73 % des personnes de 18 à 34 ans se disent éco­anxieuses, d’après un sondage Léger de 2021. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une pathologie ni d’un trouble de santé mentale officiel, faut-il s’inquiéter… de leurs inquiétudes ?» En effet,

Si les jeunes du Québec et du reste du Canada sont inquiets, le constat est encore pire dans les pays du Sud. Dans une étude publiée en février dans la revue Sustainability, des scientifiques ont pu remarquer que les jeunes venant des pays en développement ont une réaction bien plus pessimiste vis-à-vis de la destruction écologique que les personnes nées en Occident, comme aux États-Unis ou en Finlande.

Voilà de quoi réfléchir. Tout comme les Maladies tropicales négligées, les traumatismes vécus par les jeunes vivant dans les pays les plus affectés par les catastrophes environnementales seront-ils eux aussi négligés, alors même qu'on offrira des services psychologiques aux jeunes des pays nordiques qui vivent une anxiété certes réelle, mais qui n'a pas le même effet traumatique?

Les Nations Unies nous informaient en octobre 2023 que plus de 43 millions d’enfants ont été déplacés à cause de catastrophes météorologiques, tout en estimant que plus de 96 millions pourraient vivre le même sort au cours des 30 prochaines années.

L'UNICEF déplorait le manque d’attention portée à ces « victimes invisibles ».

Pour sa part, la Banque mondiale prévoit 260 millions de déplacés climatiques en 2030, et jusqu'à 1,2 milliard en 2050, ce à quoi les Nations Unies renchérissent:

Environ 3,3 et 3,6 milliards de personnes évoluent dans des environnements exposés aux bouleversements climatiques. Chaque impact affecte d’abord les plus vulnérables, soit les plus pauvres, les plus âgés, les moins instruits et les moins connectés. Climat : vers des migrations de plus en plus importantes

Des victimes qui aimeraient bien pouvoir s'offrir le luxe de l'écoanxiété.

Plutôt que de subir les catastrophes environnementales.


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