L'avenir est aux communs?

Je viens de découvrir que la revue Recherches sociographiques a sorti en juin dernier un numéro sur les communs au Québec. Ayant étudié en histoire, je me suis souvenue que c’est là une très ancienne forme de propriété, davantage présente qu’on ne l’imagine de nos jours. Pourrait-elle être une forme de propriété mieux adaptée, entre autres, à la gestion de nos ressources naturelles?

#Communs #Economie #Forets #Mines #RessourcesNaturelles

S’attaquer au sujet des communs, c’est comme de se retrouver devant une très haute montagne à escalader jusqu’au sommet. Du moins c’est l’impression que j’ai eue en constatant à quel point le sujet a été étudié depuis que Garret Hardin, puis surtout Elinor Ostrom l’ont remis sur la table des économistes.

Mais pas que des économistes

Depuis le prix Nobel d’économie attribué à l’économiste américaine Elinor Ostrom en 2009, les Communs font l’objet d’une redécouverte académique et de réappropriations citoyennes dans de nombreux pays. La notion de Communs, une redécouverte inachevée. Lionel Maurel, Horizons publics, 2019.

Alors que Garret Hardi prétendait le contraire, Elinor Ostrom a fait la démonstration que les ressources telles que des pêcheries, des systèmes d’irrigation, des nappes phréatiques, des forêts ou des pâturages, sont gérées de façon plus efficaces quand elles sont en communs, autant pour leur exploitation que pour leur préservation à long terme.

Un exemple de cette approche est le développement de projets de formation, de planification énergétique communautaire et de mobilisation de la communauté de dix Nations autochtones pour le déploiement de sources d’énergies propres.

Il s’agit là d’une initiative du gouvernement fédéral. Qu’en est-il au Québec?

D’abord j’ai appris que le Québec ne connait pas de concept législatif de « communs ». Autrement dit, le droit est conçu en faveur de la propriété privé ou étatique des biens.

Dans la tradition civiliste, le recours aux mécanismes du droit des biens pour protéger l’environnement est limité par l’architecture interne du droit de propriété. Ce dernier est en effet classiquement défini comme une somme d’attributs (abusus, usus, fructus) qui a la particularité, sauf démembrement, d’être tenue dans les mains du seul propriétaire, qui ne souffre pas de concurrence. Gaële Gidrol-Mistral. L’environnement à l’épreuve du droit des biens. Revues McGill Law Journal / Revue de droit de McGill. 2017. (via Érudit).

Il y a tout de même des techniques juridiques du droit civil mentionnées dans l’article, dont la fiducie d’utilité sociale, la servitude de conservation et la copropriété indivise.

Le hic, c’est que l’initiative doit venir du privé et que ça concerne donc des cas limités.

Autre hic, en ce qui concerne les ressources naturelles, plus de 92% du territoire québécois est du domaine public, comme le rappellait de ministère des Ressources naturelles et des Forêts dans son plan stratégique 2023-2027.

Plus concrètement si on prend comme exemple le secteur forestier, les forêts privées représentent à peine 16 % de la forêt productive québécoise. C’est donc dire que plus de 84% relèvent de l’État.

Dans son document d’orientation Les communautés québécoises et la gestion de la forêt (pdf), la Fédération québécoise des municipalités demande au gouvernement «de donner aux communautés les outils pour au moins assurer la préservation de leur patrimoine naturel, culturel et paysager, et le maintien de son apport à l’économie des régions.»

Cette demande, c’est en fait d’appliquer le concept de forêts de proximité, un concept lancé en 2013 mais qui tarde à être mis en oeuvre face à la politique centralisatrice de l’État.

Imaginons qu’une bonne partie des ressources forestières et pourquoi pas minières soient des communs, donc gérées non pas par le gouvernement, mais par les communautés qui habitent les divers territoires où sont ces ressources.

Déjà, dans le cas des communautés autochtones, ce serait enfin leur donner l’autonomie qu’elles réclament.

Jusqu’ici je n’ai bordé que les forêts et les mines, mais il y a tellement d’autres possibilités où l’approche par les communs pourrait aider à casser le moule d’un système économique qui ne fait qu’accentuer les inégalités et la dérive environnementale actuelle.

Escaladons la montagne des communs pour mieux voir l’avenir.

Source de l’image: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Foret_Montmorency_lac_Piche_02.JPG


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