L'agriculture du Québec en péril

Les terres agricoles du Québec sont en danger, titrait hier Le Devoir dans un article sur le rapport de la commissaire au développement durable déposé le 25 avril. Ce n'est toutefois pas la seule cloche que sonne la commissaire Janique Lambert en tapant sur les doigts du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ). Il y a péril en la demeure.

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En ce qui concerne la protection du territoire agricole, selon la commissaire, les interventions du MAPAQ sont insuffisantes pour en assurer la protection et la mise en valeur «alors que des enjeux, dont la perte de superficies cultivées, menacent sa pérennité».

Bien que le MAPAQ connaisse ces enjeux depuis plusieurs années, les orientations contenues dans ses plans stratégiques et dans la Politique bioalimentaire 2018-2025 ne permettent pas d'y faire face et il utilise peu ses programmes d'aide pour amener les bénéficiaires à mettre en valeur le territoire. La commissaire au développement durable présente son rapport d'avril 2024

Ce qui est insensé, c'est de lire dans le communiqué de la commissaire Janique Lambert que «le MAPAQ et la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) n'ont pas de portrait précis et complet du territoire agricole pour pouvoir suivre son évolution.» Pire, la CPTAQ ne joue pas adéquatement son rôle.

Jean Garon doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait fait adopter la Loi sur la protection du territoire agricole en 1978. Déjà qu'il se disait déçu une trentaine d'années plus tard.

« En 2008, on serait revenu à la situation d’avant 1976 », selon Jean Garon. Les successeurs du gouvernement Lévesque ne croyaient pas à la protection du patrimoine agricole. Il y a 40 ans, Jean Garon faisait adopter la Loi sur la protection du territoire agricole

Les enjeux auquel fait face le territoire agricole sont, je trouve, bien définis sur le site de l'Institut Jean Garon qui veut poursuivre son œuvre:

Ces enjeux datent de 2019, alors que l'Institut entreprenait une démarche de consultation sur une question cruciale: comment continuer à protéger notre territoire agricole et l’utiliser de façon optimale pour l’avenir?

Je disais que ce n'est pas le premier son de cloche de la commissaire Janique Lambert. C'est même le deuxième dans son communiqué.

Le premier, c'est la santé et la protection des sols.

Les pratiques agricoles ont un effet sur la santé et la conservation des sols. Il importe que les producteurs adoptent des pratiques agricoles durables, puisque des sols sains offrent plusieurs avantages économiques et environnementaux.

Le problème, c'est que là encore, nous dit la commissaire, le MAPAQ fait preuve de laxisme. Ce Ministère censé veiller au grain «ne détient pas les données nécessaires, concernant l'état de santé des sols, son évolution ainsi que les pratiques agricoles qui ont cours, pour mieux établir les priorités.»

Comme si ce n'était pas déjà déplorable, la Financière agricole non plus n'a pas fait ses devoirs: les mesures d'écoconditionnalité et d'écoresponsabilité mises en place dans ses programmes sont insuffisantes.

Pourtant, le Plan d'agriculture durable 2020-2030 du MAPAQ est censé offrir un ensemble de possibilités pour accélérer, d’ici 2030, l’adoption des meilleures pratiques agroenvironnementales.

En réaction au rapport de la commissaire au développement durable, Carole-Anne Lapierre, analyste en agriculture et systèmes alimentaires pour Équiterre appelle le gouvernement à donner le coup de barre qu’il faut pour changer les choses.

L'Alliance SaluTERRE, coalition d'organisations issues des milieux agricole, environnemental et de l’aménagement dont fait partie Équiterre, avait déposé un mémoire intitulé Reconnecter l’agriculture aux territoires: pour des terres protégées, en santé, accessibles pour la relève et nourricières des communautés dans le cadre de la Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles.

Dans son mémoire, elle recommande de modifier les politiques publiques pour faire en sorte de passer d’une agriculture spécialisée vendant ses produits dans de longues chaînes de commercialisation à la création de territoires nourriciers.

Un aspect que ne souligne pas la commissaire Janique Lambert dans son communiqué, c'est la concentration des terres. Le nombre de grandes fermes est à la hausse, au détriment du nombre de fermes de taille moyenne qui sont pourtant au cœur de la vitalité des territoires ruraux.

Or, souligne le mémoire de l'Alliance SaluTERRE, aucune des cibles de la Politique bioalimentaire ne vise ni la diversification des modèles d’affaires ni leur impact sur l’attractivité des territoires.

Parce qu'il n'y a pas que les terres qui se dévitalisent, les régions rurales aussi sont en perte d'attractivité.

Il est plus que temps de changer de direction avant qu’il ne soit trop tard.


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