Autonomie journalistique: qu'en est-il au juste?

Ce matin je vois passer un lien vers une vidéo du journal Pivot sur la couverture des dernières négociations dans le secteur public. J’y entends que les journalistes seraient davantage porté·e·s à couvrir des sujets qui les touchent directement, ce qui m’a amenée à fouiller la question de l’autonomie journalistique.

#Journalisme #Medias

Pour avoir oeuvré onze ans en communication dans un syndicat, j’avais des réserves sur le fait que les journalistes choisissent leur sujet et l’angle de traitement de ce sujet. Les chefs de pupitre, voire les directions éditoriales, ont sûrement leur mot à dire, me suis-je fait comme réflexion.

De fait, j’ai rapidement trouvé un article portant sur l’autonomie journalistique qui a confirmé mes soupçons. L’article fait état d’une enquête qualitative menée à travers le Canada auprès de journalistes.

[L’enquête] suggère que des contraintes de natures politique, économique, organisationnelle, procédurale et professionnelle affectent l’autonomie des journalistes canadiens. Elle révèle aussi que l’autocensure est une réalité avec laquelle plusieurs participants de cette enquête ont eu à composer. L’autonomie journalistique et ses limites : enquête pancanadienne auprès d’anciens praticiens

Pour les enquêteurs, le fait que les journalistes se disent autonomes découlerait «d’un biais de perception des principaux intéressés».

Petite parenthèse pour signaler un texte du Centre de ressources en éducation aux médias, un centre affilié à la Faculté d'éducation de l'Université du Québec à Montréal: Le journal et les magazines – Genres et formats médiatiques.

Fermons la parenthèse.

J’ai l’impression que le plus grave danger pour l’avenir du journalisme et leur autonomie, ce n’est pas le siphonnage des revenus des médias par les grands médias sociaux. Certes, c’est un problème majeur qu’il faut résoudre, mais la concentration des médias dans des conglomérats gérés en fonction du rendement des actions devrait beaucoup plus nous préoccuper.

La concentration de la propriété des médias est une menace envers la liberté de la presse, léguant un pouvoir excessif à des individus, des gouvernements ou des personnalités politiques. Fédération internationale des journalistes. Répondre à la concentration des médias.

Pour le spécialiste de la question Simon Claus, chercheur associé au Centre de recherche interuniversitaire (CRICIS), les journalistes s’autocensureraient sur des sujets qui ont le potentiel de nuire au conglomérat médiatique dont leur média fait partie, sans compter l'impact de la concentration des médias sur l'indépendance journalistique et sur le pluralisme de l’information (Libre Media. La concentration des médias, un obstacle à la diversité des idées?).

J’insiste, dans ces conglomérats tout est fonction du rendement des actions. La perte des revenus publicitaires au profit des GAFAM a donc dû ajouter une pression supplémentaire sur le dos des journalistes dont le travail ne consiste pas seulement à nous informer, mais aussi à attirer le lectorat payant.

Heureusement, il n’y a pas que les conglomérats. Dans le cas des journaux, La Presse et les journaux des coops de l’information dont Le Soleil à Québec où je vis, sont des modèles à surveiller en rapport avec l’autonomie journalistique.

On voit aussi apparaître bon nombre de médias indépendants qui profitent du faible coût de production et de publication de l’information.

Pivot est un exemple de ce type de média au Québec. Là aussi, je serais curieuse de savoir ce qu’il en est de l’autonomie des journalistes oeuvrant pour ces médias.

Les résultats d’une vaste enquête menée par le Worlds of Journalism Study auprès de journalistes de plus de 120 pays sur la sécurité des journalistes, mais aussi sur la détérioration de la liberté éditoriale et l’impact des technologies ainsi que de la précarisation de la profession sont attendus ces jours-ci.

En 2019, une enquête du même organisme avait conclu que les journaliste canadiens avaient le sentiment que les influences politiques et économiques, de même que l’influence perçue des propriétaires et des gestionnaires des entreprises de presse sur leur travail, étaient plutôt faibles.

On peut se demandé s’il en sera de même dans les résultats de l’enquête en cours. Faisons l’hypothèse qu’en ce qui concerne les conglomérats, la perte de revenu a dû jouer sur l’autonomie journalistique.

Je termine en vous invitant à lire l’article que je cite dans le troisième paragraphe.

Ça aide à comprendre les contraintes dans lesquelles oeuvrent les journalistes.

Source de l’image: https://pxhere.com


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