Femmes en tech, cause perdue?

Après avoir appris que Women Who Code, une organisation œuvrant à l'avancement des femmes dans le secteur des technologies qui dit avoir plus de 360 000 membres dans 145 pays, mettait fin à ses activités en invoquant une insuffisance de revenus, j’ai eu envie d’aller voir ce qu’il en est au Québec de la place des femmes en TI.

#Egalite #Emplois #Femmes #MainDOeuvre #Prejuges #Stereotypes #TI

Du côté de l'Observatoire québécois des inégalités, la responsable de la stratégie éditoriale Marianne Castelan se demandait en mars dernier pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans les métiers des technologies de l’information? À peine le quart des emplois en TI sont occupés par des femmes.

Marianne Castelan a interrogé Geneviève Taurand, product manager (Transportation & iTwin Product Management) chez Bentley et Marianne-Sarah Saulnier, anthropologue, spécialiste des questions d’intersectionnalité. En gros, il y aurait à la base une perception biaisée basée sur des stéréotypes qui éloigne les filles des programmes de formation en TI. Peu de filles étudient dans ce domaine, donc peu de femmes y oeuvrent.

Pour sa part, Andréanne Tardif, conseillère en recrutement TI, mettait l'accent en 2020 sur trois principaux aspects négatifs: le manque de réseaux, de mentors et de modèles féminins de réussite, les enjeux d’articulation travail-vie personnelle et le manque d'intérêt des jeunes filles pour les TI en général.

Curieusement, dans la note de recherche Les femmes en technologies de l’information : Les enjeux de formation et d’inclusion rédigée en 2020, on apprend que la part des femmes dans les professions informatiques a diminué de 1987 à 2016.

Dans cette note, la professeure au département économie et gestion à l'Université TÉLUQ Diane-Gabrielle Tremblay et la sociologue Valérie Harvey ont fait un examen de la littérature liée à ce phénomène sous deux angles: les facteurs liés à l’entreprise, ou à l’offre d’emploi, et d’autre part, les facteurs liés aux femmes, ou à leur demande d’emploi.

Du côté de l'entreprise, les travaux de recherche qu'elles ont consultés évoquent la discrimination et le sexisme dans l’embauche et le milieu de travail, le fait que les milieux de travail masculins ont tendance à se reproduire, contribuant à un effet de filtre, à quoi s'ajoutent les effets de réseau, par le fait que des amis peuvent intégrer leurs amis, ou leurs semblables dans l’entreprise.

Un fois embauchées, les femmes font face à la difficulté de concilier le travail avec leur vie familiale, doublé d'un milieu de travail favorisant largement les représentations masculines (performance, compétition, leadership).

Ajoutons les jugements de type slut shaming lorsqu’une femme en TI affiche une image typée « féminine ». Les hommes, majoritaires en entreprise, ont tendance en effet à critiquer, voire disqualifier une femme dont l’attitude ou l’habillement est jugé trop provoquant.

Bref, il semble y avoir un esprit de corps masculin qui rejette carrément, ou tout au plus tolère avec agacement, la présence de femmes en TI. Tout serait bon pour les discréditer.

Au-delà de la littérature, Diane-Gabrielle Tremblay et Valérie Harvey ont voulu voir ce qu'il en était sur le terrain.

Devant le constat d’une faible présence des femmes dans le secteur des TI, secteur pourtant bien rémunéré et qui devrait donc être intéressant pour les femmes, nous voulions déterminer pour quelles raisons les femmes y sont si peu présentes. Comme le sujet est peu documenté, nous avons retenu une méthode qualitative pour aborder le sujet.

Elles ont donc rencontré 39 femmes venant principalement de l’industrie des jeux vidéo, quelques-unes d’entreprises de télécommunication ou d’assurances.

Pour plusieurs, selon leur parcours de vie, l’entourage familial ou conjugal peut représenter une clé importante pour la motivation à persister ou, hélas au contraire, à choisir une autre voie.

Au-delà des parents qui peuvent s'avérer un obstacle en remettant en question le choix de leur fille, le milieu scolaire peut aussi décourager les étudiantes à persister en TI.

Les statistiques sur les femmes en TI, que ce soit aux études ou en emplois, cachent le fait qu’elles étudient et se dirigent principalement vers les spécialisations artistiques, des emplois moins bien rémunérés et plus précaires. Celles qui optent pour les domaines plus masculins, comme la programmation, l’architecture des systèmes ou la sécurité informatique, sont en conséquence encore plus minoritaires que ne le laissent voir les chiffres plus globaux.

Ajoutons que si certain·e·s enseignant·e·s vont reconnaître et encourager le potentiel d’une étudiante dans le domaine des TI, mais ça semble loin d'être une attitude majoritaire. Pire, les jeunes filles qui empruntent la voie des TI ne sont pas toujours encouragées à poursuivre leurs études.

Bref dans le milieu des TI, depuis l'enseignement jusqu'au marché du travail, les femmes font face à un «quota» non-dit favorisant les hommes.

C'est la fin de ce quota basé sur des stéréotypes et préjugés qu'il faut viser pour que les femmes puissent enfin prendre leur pleine et entière place en TI.

Sinon ça demeurera une cause perdue.

Source de l’image: Pexels (photo par Christina Morillo).


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